Les conséquences de la mort du général Ahmed Gaïd-Salah vues de l’étranger
Par Nabil D. – La presse étrangère a longuement commenté la mort du chef d’état-major de l’armée, Ahmed Gaïd-Salah, en raison du rôle central qu’il a joué dans l’enlisement de la crise en Algérie depuis la décision hasardeuse de faire briguer un cinquième à Bouteflika avant qu’il le sacrifie pour sauver le système rejeté par l’écrasante majorité des Algériens.
France Info a fait parler le spécialiste de l’Algérie, Kader Abderrahim, selon lequel cette disparition «ne changera rien dans l’immédiat». Ce maître de conférences à l’université de Paris a rappelé que Gaïd-Salah «a été, dans l’ombre, l’homme qui a permis à Bouteflika d’avoir un tel parcours et une telle carrière. Jusqu’au bout, il lui est resté fidèle, jusqu’au moment où les intérêts de Gaïd-Salah et ceux du président Bouteflika ont divergé». «Et là, a-t-il expliqué, il n’a pas fait de sentiments. Il a décidé de lâcher le président de la République pour se concentrer sur ses intérêts».
De son côté, le journal Le Monde a sollicité une lecture de cet événement auprès de Mohamed Sifaoui. Pour l’opposant algérien établi en France, «le pouvoir réel incarné jusqu’à ce lundi matin par le général Ahmed Gaïd-Salah refuse toute démocratisation effective du pays et crée une façade qui amène des commentateurs à parler d’élections démocratiques», en insistant sur le fait que «derrière cette façade, qui sied à plusieurs capitales occidentales, il y a un pouvoir brutal qui brime les oppositions, qui opère des arrestations d’opposants, qui limite et contrôle la liberté de la presse et qui refuse d’entendre les aspirations légitimes du peuple algérien qui réclame la liberté, la démocratisation et la fin d’un régime illégitime par ailleurs corrompu et corrupteur». Mohamed Sifaoui rejoint Kader Abderrahim en estimant que «le plus important à retenir, c’est que cette mort ne changera pas la nature du régime».
Sur la chaîne d’information Euro News, Francis Ghilès, spécialiste des questions internationales installé en Espagne, relève que Gaïd-Salah laisse derrière lui un pays dont «le système économique est à bout de souffle», avant de s’interroger : «Va-t-on faire des réformes contre le peuple, encore concentrer le pouvoir, ou aller vers une ouverture, pas forcément la démocratie immédiatement, mais vers une élection présidentielle qui représente l’Algérie ?».
Pour la chaîne britannique BBC, il ne fait aucun doute que «la mort inattendue du général Gaïd-Salah affectera certainement le président Tebboune qui a perdu un grand défenseur dans sa tentative de surmonter la crise politique». «Sera-t-il toujours en mesure de tenir ses promesses et de trouver un dialogue avec les manifestants ?», se demande la BBC.
Pour sa part, la chaîne qatarie Al-Jazeera relève que «l’homme de 79 ans a été propulsé sur le devant de la scène politique nationale après avoir rompu avec le président de longue date Abdelaziz Bouteflika, fin mars, au milieu des manifestations anti-gouvernementales à l’échelle nationale», en précisant que l’ex-chef d’état-major a été «longtemps considéré comme un allié de Bouteflika». «Mais les liens du septuagénaire avec la vieille garde politique et l’élection présidentielle dénoncée par les manifestants étaient en déphasage avec le mouvement de protestation, connu sous le nom de Hirak, qui a exigé une transition vers un Etat civil».
N. D.
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