Tebboune va-t-il récupérer la tutelle des services des renseignements ?
Par Kamel M. – Les services des renseignements algériens, de par leur opacité et le caractère de leur mission sensible, ont toujours été source de supputations et d’interrogations sur leurs relations avec les autres institutions de la République et, notamment, avec l’état-major de l’armée.
Après la démission forcée d’Abdelaziz Bouteflika, parmi les toutes premières mesures que le général Gaïd-Salah avait prises en extrême priorité, la mise sous sa tutelle de la Coordination des services de sécurité (CSS), succédanés du département du renseignement et de la sécurité (DRS). A cet accaparement des services spéciaux, il avait joint l’arrestation de leurs deux anciens patrons, les général Mohamed Mediene et son successeur le général Bachir Tartag, jugés dans un procès aux forts relents de règlement de comptes.
Les services des renseignements, contrairement à ce que de nombreux citoyens ont toujours cru, n’ont jamais relevé du chef d’état-major de l’armée mais du président de la République. L’amalgame a été créé par le fait que l’ex-DRS partageait son siège avec les différentes directions en charge de la gestion de l’Armée nationale populaire au sein du ministère de la Défense nationale.
A l’aberration de la double casquette de chef des forces armées et de vice-ministre de la Défense nationale que l’ancien président Bouteflika avait confiée à une seule et même personne, s’est ajoutée celle du rattachement de cette institution à l’état-major de l’armée après la déchéance de ce dernier. Une situation qui a eu pour première conséquence l’élargissement des prérogatives de Gaïd-Salah qui a, ainsi, monopolisé le pouvoir d’une façon encore plus dangereuse que sous l’ère de l’ex-président de la République, lui-même accusé d’avoir concentré trop de prérogatives.
Abdelmadjid Tebboune, qui s’est engagé à amender la Constitution de manière profonde en consacrant une réelle séparation des pouvoirs et en mettant fin au régime ultra-présidentiel, va-t-il remettre les choses à leur place en retirant la tutelle «provisoire» de la CSS à l’armée et en la remettant sous sa coupe ou sous une autorité civile ?
Abdelaziz Bouteflika avait dû, quelques années avant son éviction par son chef d’état-major, procéder à une importante réforme des services de sécurité, en dépoussiérant un vieux projet qui était resté dans le tiroir du président Chadli Bendjedid. La restructuration de l’ex-DRS, si elle était nécessaire pour répartir les attributions de sorte à mettre fin à un déséquilibre né de l’accumulation de trop nombreuses fonctions au sein d’un même appareil et d’un même homme, aux yeux de Bouteflika, cette réforme visait surtout à réduire la puissance du général Toufik dont la prépotence représentait une menace pour sa toute-puissance en tant que Président devant diriger le pays seul et sans interférences.
Erreur fatale, puisque l’éloignement de Toufik et le maintien de Gaïd-Salah par Bouteflika pour se prémunir de l’article sur l’empêchement que ce dernier finira par faire appliquer de manière brutale, quatre ans plus tard, ont conduit le pays vers une crise inextricable dont les premiers signes de violence provoquée par des hommes de main dans certaines régions du pays n’augurent rien de bon. D’où l’urgence d’un désaccouplement salutaire entre les deux corporations.
K. M.
Comment (18)