Comment le Maroc compte tirer les dividendes d’une intervention en Libye
Par Karim B. – Rabat, qui vante la «consolidation de [ses] acquis sur la question du Sahara [Occidental] en 2019», cherche à tirer les dividendes d’une fort probable intervention militaire turque en Libye. C’est ce qu’on décèle dans les commentaires de la presse et les propos de responsables politiques marocains.
En effet, le Maroc voit dans les derniers développements en cours en Libye une aubaine pour se repositionner sur l’échiquier régional, en voulant profiter de la crise libyenne pour se rapprocher des pays du Golfe et de l’Egypte et consumer des accords de Skhirat. Cette nouvelle approche de Rabat intervient à un moment où l’avènement d’Abdelmadjid Tebboune au pouvoir en Algérie met fin aux espoirs du Makhzen de faire faire à son voisin de l’Est un virage à 180° dans les dossiers épineux du Sahara Occidental et des frontières fermées côté algérien.
Abdelmadjid Tebboune essuie de virulentes attaques de la part des Marocains qui lui reprochent d’avoir exigé une disculpation de l’Algérie, accusée à tort par Hassan II d’être derrière les attentats de Marrakech en 1994, en constatant que «le Président algérien n’est pas près d’ouvrir les frontières avec le Maroc» et en allant jusqu’à déterrer le dossier des Marocains expulsés d’Algérie, un épisode qualifié d’«affreuse tragédie pour laquelle Abdelmadjid Tebboune doit s’excuser».
Mais le Makhzen ne perd pas de temps. Dès que Mohammed VI a compris que ses appels du pied étaient vains, il s’est empressé de réviser sa position, en remettant en cause les accords inter-libyens conclus au Maroc même et en plantant un poignard dans le dos du désormais ex-associé turc. Le Maroc, contrairement à l’Algérie, ne s’astreint pas à une doctrine qui l’empêche de s’ingérer dans les affaires intérieures de pays tiers. Il l’a démontré dans les agressions contre l’Irak et, plus récemment, contre le Yémen meurtri. Il ne s’accommoderait donc d’aucun scrupule pour prendre part à une guerre qui s’annonce aux côtés de ceux dont il jugera qu’il en tirera profit.
Rabat explique son revirement par le fait que les accords de Skhirat, opposés à toute ingérence étrangère, devraient être battus en brèche «avec l’imminence de l’intervention militaire turque en Libye» qui «serait à même d’accélérer le processus de réconciliation du Maroc avec l’Arabie Saoudite et les Emirats arabes unis, les grands bailleurs de fonds de l’armée de Haftar, ainsi que l’Egypte d’Al-Sissi» car, s’agissant de ce dernier pays, «Rabat a grandement besoin du soutien du Caire au sein de l’Union africaine».
Selon les médias marocains, «Rabat a déjà envoyé un signal en direction de Riyad, Abou Dhabi et Le Caire, en déclinant l’invitation au mini-sommet islamique organisé la semaine dernière à Kuala Lumpur, sous l’égide de la Turquie et de la Malaisie et avec la participation de l’Iran et du Qatar».
K. B
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