Le recours aux hommes de main pour couvrir la politique du pire
Par Youcef Benzatat – Face à la détermination du peuple pour instaurer un Etat de droit, synonyme de poursuites judiciaires à l’encontre des membres corrompus du système et pour l’instauration d’un Etat civil qui le privera du contrôle de la rente, ce dernier se sentant menacé, s’est résolu à lâcher leurs baltaguia pour couvrir sa politique du pire qui lui garantira de rester agrippé au robinet de la rente sans lâcher prise et de s’en servir dans l’impunité totale.
Les baltaguia sont ces citoyens démunis de toute éducation et de moyens de subsistance et dont le parcours de vie les a emmenés vers les chemins de la délinquance et la criminalité de tout genre. Ce sont de véritables crapules qui vivent en dehors des sentiers communs de la société. Des marginaux qui sont connus et fichés par la police et la gendarmerie. Ils sont des centaines de milliers en nombre, semant l’insécurité et la terreur dans les villes et les villages. Leur vie se résume à un va-et-vient perpétuel entre une liberté sous contrôle et l’incarcération dans les prisons. Cette vulnérabilité fait d’eux des proies faciles pour être recrutés pour la sale besogne, endoctrinés et lâchés contre les manifestants, encadrés par les services de sécurité infiltrés parmi eux, en contrepartie d’une rémunération financière et un allègement, voire l’effacement de leurs peines.
La politique du pire dans laquelle le système s’est engagé pour contrer la résistance du peuple consiste à casser la doctrine pacifiste (silmia) de la révolution, en injectant les baltaguia pour semer la peur et la terreur au sein des manifestants en provoquant des heurts violents, pour transformer les marches pacifiques en violences et troubles à l’ordre public. Le but recherché est de dissuader les manifestants de poursuivre leur combat politique pacifique, soit par le renoncement à participer aux prochaines manifestations des mardis et vendredis, soit de les inciter à réagir à la violence par la violence.
Dans les deux cas, le système s’en sortirait vainqueur, soit par l’affaiblissement de la mobilisation populaire, qui verrait un grand nombre de membres du Hirak abandonner les marches par peur de la violence, soit par l’exacerbation de celle-ci, qui légitimera le recours à l’état d’exception.
La raison qui l’empêche de recourir directement à une répression totale pour mettre fin à la révolution et mener avec efficacité leur politique du pire, au lieu de passer par la provocation des conditions de sa légalité, est dictée par la pression de l’opinion nationale et internationale, ainsi que par les partenaires internationaux dans la gestion de la rente.
Pour toutes ces raisons de recherche de la légalité, le système n’a pas hésité un instant, depuis le début du Hirak, le 22 février de cette année, à recourir aux méthodes les plus goebbelsiennes de manipulation et de propagande, qui consistent à répéter inlassablement le mensonge de plus en plus grossièrement jusqu’à ce qu’il finisse par apparaître vrai.
La traque et l’incarcération du clan adverse au clan au pouvoir fut présentée comme une lutte implacable contre la corruption. Même si tout le monde ne voit qu’aucun de ses membres n’a été inquiété par cette traque.
Le soutien du système au Hirak martelé à chaque discours par l’homme fort de l’armée, alors que tout le monde constatait l’empêchement des personnes à accéder aux centres-villes pour rejoindre les manifestants et l’arrestation et l’incarcération des figures emblématiques de la révolution.
L’annonce de la participation électorale aux présidentielles du 12 décembre qualifiée de «vote massif» de près de 50% de votants, alors que tout le monde avait constaté que les bureaux de vote étaient déserts et que les estimations ne dépassaient guère les 8% de votants, relevant du reste pour l’essentiel des agents des services de sécurité et des effectifs de l’armée mobilisés et déplacés pour la circonstance.
Même les funérailles de celui qui incarnait le système ont été organisées et présentées par les médias publics et privés, à la solde du pouvoir, sur la base d’un grossier mensonge. Près d’un millier de bus avaient transporté de l’intérieur du pays des dizaines de milliers de personnes vulnérables pour venir constituer devant les caméras une impression de foule accompagnant le cortège mortuaire, en contrepartie d’une modeste somme d’argent. Le pire est que les propagandistes ne s’étaient même pas préoccupés à organiser leur retour dans leurs villes et villages. Pour la plupart, qui n’avaient jamais mis les pieds à Alger, ils se sont retrouvé abandonnés à eux-mêmes, errant dans les différentes banlieues d’Alger, hagards et sans aucun repère pour s’orienter devant une population médusée.
Pour donner également une impression de foule massée aux portes du cimetière d’El-Alia où la dépouille devrait être enterrée, des milliers de jeunes soldats ont été mobilisés et transportés à cet endroit.
Et pour rendre le mensonge encore plus grossier, les techniciens des laboratoires de la fabrication de l’image en ont rajouté une couche, en retouchant après coup les images filmées pour grossir encore l’image de la foule et donner une impression au spectateur d’une immense foule accompagnant le cortège funéraire jusqu’à la mise à terre du défunt.
L’objectif était de rehausser le sentiment d’adhésion du peuple aux actions menées par cet homme et le système qu’il représentait devant l’opinion nationale et internationale, sachant que les images de cet enterrement avaient fait le tour du monde.
Toute cette stratégie goebbelsienne n’a rien pu faire devant la détermination du peuple à vouloir abolir la dictature, pour instaurer un Etat civil, démocratique et social. Au contraire, le système ne fait que se renforcer de jour en jour et rien ne semble venir l’arrêter. Le recours aux baltaguia traduit chez les commanditaires de ce grave impair un échec total de leur tentative de goebbelisation de leur contre-révolution et les plonge dans un désarroi et une panique insoutenables, faisant craindre le basculement de la société dans la violence et la répression.
Le système semble s’enfermer de plus en plus dans le choix de la politique du pire au risque d’user de tous les moyens pour se maintenir aux commandes de la gestion de la rente et de se préserver d’éventuelles poursuites pour dilapidation des richesses nationales et de trahison de la volonté du peuple à vouloir s’affranchir de la servitude et du sous-développement, par une justice indépendante émanant de la souveraineté populaire.
Le Hirak sait ce qu’il lui reste à faire : continuer à exercer une pression constante sur le pouvoir, en maintenant les manifestations à leur rythme habituel, sans tomber dans le piège de la violence souhaitée par des cercles occultes. Démasquer et dénoncer inlassablement la stratégie de goebbelisation de la contre-révolution et, en particulier, celle de l’introduction des baltaguia comme l’avaient fait des manifestants du Hirak pendant le 45e vendredi, après leur entrée en scène massive et très violente et comme l’avait suggéré le sociologue Lahouari Addi, en filmant leurs actions sur le terrain et en les diffusant sur les réseaux sociaux pour les identifier et les confondre devant leurs familles et leur entourage.
Y. B.
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