L’impérative Assemblée constituante pour mettre fin à la crise
Par Youcef Benzatat – Les manifestations populaires massives de ce 46e vendredi qui se sont déroulées dans toutes les villes algériennes, après que le pouvoir incarné par l’état-major a achevé son coup de force du 12 décembre 2019 en imposant un Président et un gouvernement désignés, affirment avec force et détermination le rejet par le peuple de toute normalisation de la vie politique qui ne soit pas l’émanation de sa propre volonté souveraine. De ce fait, le peuple et le pouvoir se retrouvent dos à dos et le fossé qui les sépare devient de plus en plus infranchissable et le dialogue impossible.
Désormais, l’Algérie s’installe dangereusement dans une crise politique majeure sans précédent depuis l’accès à l’indépendance. Car la crise inaugurale engendrée par le coup de force du 31 juillet 1963 par Ahmed Ben Bella et l’état-major général qui avaient fait adopter une Constitution à la hâte par une Assemblée parallèle à celle qui a été élue le 20 septembre 1962 et qui a scellé à jamais tout espoir de démocratie en perspective, s’était déroulée presque à huis clos. Alors que la crise d’aujourd’hui compte parmi ses principaux acteurs le peuple qui a fait une irruption en force sur la scène politique, en étant uni et déterminé à recouvrer sa souveraineté législatrice, ce qui n’était pas le cas en 1963.
Cette nouvelle reconfiguration de la crise politique qui affecte le pays depuis l’indépendance, par l’irruption en force de la conscience collective sur la scène politique, vient, en effet, aggraver dangereusement cette crise en mettant le pouvoir en demeure de trouver une solution qui puisse préserver cette même indépendance chèrement acquise. Car le peuple ne semble pas prêt à abdiquer et son rejet radical du coup de force du 12 décembre, qui s’apparente à une véritable désobéissance civile, pourra le mener vers l’exaspération de celle-ci, ce qui ne va pas sans faire peser de hauts risques sur la paix civile et, par conséquent, au péril de la souveraineté nationale.
Dans ces conditions, la seule alternative plausible à une véritable sortie de crise ne peut être que l’élection d’une Assemblée constituante souveraine, transparente et sereine.
Il faut admettre que le temps n’est plus au bricolage politique au sommet de l’Etat et que l’exigence du peuple pour un Etat civil, véritablement démocratique, n’est pas une perversion de «traîtres à la patrie» comme le martelait inlassablement et grossièrement l’ancien chef d’état-major de l’armée, mais bel et bien une conscience nationale qui a émergé au sein des nouvelles générations soucieuses de l’édification d’un Etat correspondant à leurs valeurs civilisationnelles qui seraient en phase avec la contemporanéité du monde avec toutes les libertés, les dynamiques économiques et sociales, technologiques et institutionnelles qui le caractérisent.
Y. B.
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