Une contribution de Kaddour Naïmi – Prévenir les agressions étrangères
Par Kaddour Naïmi – Les problèmes internes à l’Algérie sont multiples et graves, en premier lieu l’opposition persistante entre Mouvement populaire et les gestionnaires de l’Etat. C’est là une contradiction interne à la nation, à laquelle il faut absolument, et le plus vite possible, trouver la juste solution, juste signifiant au bénéfice du peuple.
Ceci étant clarifié – pour éviter tout malentendu et toute manipulation de ce texte –, deux questions doivent être posées.
1) Peut-on permettre que les conflits internes à l’Algérie deviennent la faille, la faiblesse par laquelle des oligarchies étrangères, soutenues à l’intérieur par des organisations autochtones harkies (1), agressent l’Algérie ? Car le but est clair et les preuves existent : s’emparer des ressources naturelles de l’Algérie et faire de son territoire une base militaire pour contrer la Russie et la Chine afin de demeurer l’unique puissance hégémonique impérialiste mondiale et, par voie de conséquence, permettre au colonialisme israélien de se maintenir et d’édifier son «Grand Israël» au détriment du peuple palestinien ?
2) Parce que les détenteurs de l’Etat algérien évoquent le danger d’agressions étrangères, soutenues par des harkis intérieurs, peut-on ignorer ces menaces ? Prétexter que cette menace est évoquée par les détenteurs actuels de l’Etat uniquement pour détourner l’attention des problèmes internes, et que cette menace serait négligeable ou inexistante, c’est, dans le meilleur des cas, ignorer la gravité de la situation actuelle et, dans le pire, être un agent harki interne des oligarchies étrangères.
Un principe fondamental est à considérer : les problèmes d’un peuple, ici l’algérien, doivent être résolus uniquement par ce peuple lui-même, sans aucune interférence étrangère, d’où qu’elle vienne et quelles que soient ses intentions déclarées.
Situation concrète
L’Algérie est : 1) encerclée de bases militaires étrangères tout autour de son territoire ; 2) a des frontières avec des pays soit déjà désintégrés par l’impérialisme (Libye), soit sur la voie de la désintégration (Mali) ; 3) est infiltrée par une masse inquiétante d’immigrés, masse servant sans aucun doute à l’infiltration de membres d’organisations terroristes, soutenus et financés par des oligarchies étrangères.
En outre, l’Algérie est un pays extrêmement tentant par des oligarchies impérialistes ou néocoloniales : 1) un immense territoire d’une importance stratégique : carrefour situé au sud de la Méditerranée (dont le nord est occupé par l’Otan), partie importante de l’Afrique (destinée à être la proie économique de toutes les convoitises oligarchiques mondiales) et du monde dit «arabo-musulman» (où ressources naturelles et territoires sont d’importance géostratégiques) ; 2) immenses ressources énergétiques (le nerf de la guerre et de l’économie) : pétrole et gaz, sans parler de la nappe phréatique (qui deviendra un enjeu fondamental prochainement).
Les adversaires
Voici les ennemis de l’Algérie, Etat et peuple confondus, soulignons-le.
1) L’oligarchie états-unienne. Conformément à la doctrine Rumsfeld/Cebrowski, son intérêt est de maintenir et renforcer son hégémonie mondiale, base de sa puissance économico-militaire. Dans ce but, il faut mettre la main sur les ressources naturelles de toutes les nations de la périphérie de la planète, autrement dit les pays économiquement sous-développés, dont l’Algérie. Ces ressources sont en premier lieu le pétrole et le gaz, et l’occupation du territoire servirait à installer des bases militaires afin d’encercler la Russie et la Chine, et étendre la zone géographique de l’Otan.
2) L’oligarchie française néocolonialiste. Elle concurrence les Etats-Unis en ce qui concerne les ressources naturelles de l’Algérie, et veut prendre sa revanche historique sur la défaite qui l’a chassée d’Algérie, suite à la Guerre de libération nationale.
3) L’oligarchie colonialiste israélienne. Elle veut prendre sa revanche sur son échec, lors de la Guerre de libération nationale algérienne, d’accaparer une portion du territoire algérien pour y installer la communauté juive résidente alors en Algérie. La même oligarchie veut punir l’Algérie pour être un soutien indéfectible du peuple palestinien pour le recouvrement de ses droits territoriaux, conformément aux résolutions de l’ONU.
4) Les oligarchies saoudite, émiratie, qatarie. Pour sauvegarder leurs intérêts, assurés par leur système social théocratique, elles doivent empêcher l’établissement en Algérie d’un système démocratique. Il constituerait un exemple et un encouragement pour les peuples du Moyen-Orient afin de lutter pour la démocratie dans leurs pays. Par conséquent, ces oligarchies théocratiques moyen-orientales ont un intérêt vital à favoriser l’établissement, en Algérie, d’un système social identique au leur.
5) L’oligarchie au pouvoir en Turquie. Son intérêt est de maintenir son emprise et, dans ce but, elle doit développer son économie, en accédant aux pétrole et gaz algériens, et en occupant le territoire algérien pour réaliser sa «oumma» (communauté) islamique sous la férule de l’organisation des «Frères Musulmans».
6) Les organisations algériennes inféodées respectivement au colonialisme israélien (MAK), aux oligarchies moyen-orientales («mouvance» islamiste wahhabite), à l’oligarchie turque (mouvance «frères musulmans») (2).
6) Les organisations terroristes, financées et formées par l’une ou l’autre des oligarchies ci-dessus évoquées.
7) Un autre ennemi de la nation algérienne reste à évoquer : les généraux corrompus de l’armée nationale algérienne.
L’armée
Comme dans toute autre nation de la planète, en Algérie l’armée est l’institution dont le rôle est de défendre l’intégrité territoriale contre toute agression étrangère. Pour y réussir, l’armée doit la prévenir par une préparation secrète et par des démonstrations publiques adéquates de dissuasion.
Comme toute autre armée dans le monde, l’armée algérienne doit, également, ne pas contenir en son sein des corrompus, à n’importe quel échelon hiérarchique et, d’abord, à celui du commandement. Une armée est à l’image de la fameuse Muraille de Chine, qui protégeait le pays contre les envahisseurs. Mais rappelons que ces derniers réussirent à pénétrer dans le territoire, suite à une… trahison : des soldats gardant l’une des portes furent corrompus.
C’est dire l’importance vitale d’un commandement constitué uniquement de responsables techniquement compétents, d’une part, et, d’autre part, d’une intégrité patriotique sans faille. A ce sujet, où en en est notre armée ? La question n’a aucun besoin de réponses démagogiques, mais objectives. Il s’agit de déceler les éventuelles faiblesses et carences, et de leur trouver les solutions nécessaires, le plus tôt et le mieux possible.
Cette préoccupation légitime et indispensable pour disposer de la meilleure armée possible doit, cependant, contrecarrer les critiques visant l’armée en tant que telle, avec le but, avoué ou caché, de la faire déprécier par le peuple, car ce serait faire objectivement le jeu des ennemis étrangers (3).
Le peuple
L’histoire mondiale montre, toutefois, qu’une armée a un besoin stratégique de bénéficier du soutien le plus large et le plus résolu de la population dont cette armée fait partie. En outre, ce soutien, pour être le plus efficace, doit se traduire par une préparation adéquate, militaire et autre, du peuple afin de constituer l’apport indispensable afin de résister efficacement à une agression.
Un exemple. L’auteur de ces lignes a constaté, de visu, qu’en Chine existent des refuges pour citoyens, en cas d’agression ; ils se trouvent partout sur le territoire, bien indiqués, et facilement accessibles. Et dernièrement, le président Xi Jin Pin a clairement déclaré que le peuple chinois doit se préparer à la guerre. Non pas qu’il la désire, mais pour se protéger des préparatifs réels de l’oligarchie états-unienne qui a déclaré vouloir maintenir son hégémonie mondiale (4).
Rappelons-nous également l’importance du rôle du peuple lors de la Guerre de libération nationale, en matière de renseignement et de soutien logistique.
A ce sujet, il est vital, autrement dit stratégique, que les détenteurs actuels de l’Etat trouvent des solutions pour éliminer leur opposition avec le Mouvement populaire. Les déclarations publiques et les funérailles de l’ex-chef de l’état-Major ne suffisent pas pour démontrer le soutien populaire réel et majoritaire à l’armée. Certes, le peuple algérien, de par son histoire récente, a démontré qu’au-delà des divisions internes il sait assumer son devoir patriotique. Cependant, les événements survenus depuis l’indépendance nationale démontrent qu’il y a encore à faire pour que le soutien du peuple à son armée soit totalement efficace.
Front uni
Le Mouvement populaire se trouve, désormais, devant deux problèmes. D’une part, interne, l’opposant aux gestionnaires actuels de l’Etat ; d’autre part, externe, à savoir l’éventualité d’une agression étrangère. Quel est, alors, le comportement adéquat ?
Abordons un problème très délicat, susceptible de controverses.
Ecarter les généraux corrompus de l’armée est, bien entendu, une nécessité vitale stratégique pour une armée compétente. Mais utiliser le prétexte de l’existence de ces officiers corrompus ne doit, en aucun cas, inciter le peuple à jeter le bébé avec l’eau, autrement dit à ne pas faire corps avec l’armée en tant qu’institution de défense nationale contre une agression étrangère.
Méditons sur un exemple. En Chine, lors de l’invasion impérialiste japonaise, le parti communiste suscita et pratiqua le front uni avec le Kuomintang, malgré le fait que ce dernier disposait d’une armée pleine de généraux corrompus, y compris leur chef Chang Kaï Chek, d’une part, et, d’autre part, ayant commis de multiples massacres de gens du peuple (travailleurs, paysans, intellectuels, étudiants, militants patriotiques) favorables à une Chine indépendante et démocratique.
Pourquoi citer cet exemple ? Pour dire qu’en cas d’agression contre l’Algérie, les arguments consistant à dire «nous refusons de soutenir une armée où se trouvent des généraux corrompus» que ces arguments ne sont pas à considérer. Pourquoi ? Parce qu’en cas d’agression étrangère le premier objectif commun est de résister ensemble, peuple et armée, puis de chasser l’agresseur du territoire national. Ce n’est qu’après cette victoire que le peuple doit affronter les problèmes internes et leur trouver des solutions. Car l’intégrité de la nation est la première des priorités, si le peuple algérien ne veut pas finir comme les peuples irakien, libyen, yéménite, soudanais, somalien ou risquer de subir l’actuelle situation syrienne.
Transformer la faiblesse en force
La gravité de la phase actuelle de l’Algérie, interne comme externe, peut et doit être l’occasion pour créer les meilleures relations entre l’armée et le peuple, donc entre les gérants de l’Etat et le Mouvement populaire. Ainsi, les faiblesses internes se transformeraient en force externe.
Bien entendu, comme le montre le cas syrien, le soutien de nations amies, en premier lieu la Russie et la Chine, a un rôle important mais il est secondaire car le principal consiste dans un peuple et son armée stratégiquement unis. Cette unité est généralement invincible. Si, néanmoins, une défaite a lieu, la résistance populaire, encadrée efficacement par son armée, finira par chasser les envahisseurs. Le cas le plus significatif était, et demeure jusqu’à aujourd’hui, celui donné par l’exemplaire peuple du Viet Nam, d’abord contre l’agression colonialiste française, ensuite contre celle impérialiste états-unienne. Ajoutons que le peuple algérien et son armée disposent déjà d’une expérience très précieuse : la Guerre populaire de libération nationale contre une puissance de l’Otan, la France.
Certes, les armements et les technologies ont changé mais les éléments fondamentaux des conflits demeurent identiques : contre la bestialité des armées d’agression, matériellement supérieures, opposer l’intelligence du peuple uni à son armée compétente. Quant à ceux qui privilégient la formation dans les académies militaires les plus prestigieuses, rappelons que le doublement vainqueur militaire respectivement des généraux français puis états-uniens fut un simple ex-instituteur : Nguyen Giap avec ses collaborateurs.
Et si les impérialistes veulent créer ce qu’ils appellent le «chaos créatif» (5), qu’il soit l’occasion de créer une nation réellement forte parce que réellement démocratique, où peuple et armée sont le double garant de l’intégrité nationale.
K. N.
(1) Voir «Peuple algérien et démocratie», http://kadour-naimi.over-blog.com/2019/12/peuple-algerien-et-democratie.html#
(2) Voir «Alliance entre Rachad et MAK : menace sur l’intégrité nationale»,http://kadour-naimi.over-blog.com/2020/01/alliance-entre-rachad-et-mak-menace-sur-l-integrite-nationale.html
(3) Le slogan du Mouvement populaire, «Etat civil et non militaire» sera examiné dans une prochaine contribution.
(4) Voir «La guerre, pourquoi ? La paix, comment ?…», Partie V. Quel ordre ?, librement accessible ici : https://www.editionselectronslibres-edizionielettroniliberi-maddah.com/ell-francais-sociologie-oeuvres-guerre-paix.html
(5) Voir «Pourquoi la guerre, comment la paix ?…», o.c., point 10.10. Théorie du «chaos créatif».
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