Il est une entrave au dialogue : pourquoi Tebboune a-t-il maintenu Zeghmati ?
Par Abdelkader S. – De tous les ministres qui constituent le nouvel Exécutif, le garde des Sceaux est sans doute celui qui suscite le plus d’interrogations. Vestige du gouvernement Bedoui, inféodé au belliqueux ancien chef d’état-major, Belkacem Zeghmati est le ministre le plus impopulaire avec son ex-collègue de l’Intérieur, Salah-Eddine Dahmoune, limogé par Abdelmadjid Tebboune dans les heures qui ont suivi son investiture.
Autant l’empressement avec lequel le successeur de Bouteflika s’est débarrassé de ce boulet était compréhensible et prévisible, autant le maintien de Belkacem Zeghmati à son poste crée un malaise et risque de faire capoter le projet de dialogue auquel aspire le nouveau Président pour assoir sa légitimité écornée par la façon dont la présidentielle a été imposée et le taux d’abstention jamais enregistré depuis l’indépendance.
Belkacem Zeghmati demeure une personnalité intrigante. Limogé par Abdelaziz Bouteflika pour avoir «actionné» le dossier Chakib Khelil à la demande du tout aussi énigmatique ancien ministre de la Justice, Mohamed Charfi, et de l’ancien patron du DRS, le général Toufik, dont les services avaient enquêté sur ce gros dossier de corruption et de détournement de fonds, il a été rappelé par Gaïd-Salah pour remplacer l’ancien protégé et protecteur du cercle présidentiel, Tayeb Louh, aujourd’hui incarcéré. Il s’est distingué par la mise en branle de la machine judiciaire infernale qui jettera en prison des dizaines de manifestants, de militants, d’hommes politiques, de journalistes et d’artistes sur injonction directe de Gaïd-Salah.
Sa gestion à la hussarde du secteur depuis sa désignation lui a valu une grève des magistrats, vite étouffée à travers un accord salarial qui allait mettre fin à ce débrayage qui avait, un court moment, donné espoir au Hirak, qui voyait dans cette fronde des magistrats une volonté de s’affranchir de la tutelle du pouvoir exécutif et de l’armée. Ce fut un vain et éphémère espoir. Belkacem Zeghmati, plus que jamais soutenu par l’ancien homme fort de l’armée qui l’avait incité à «aller jusqu’au bout» de la répression, avait imposé un vaste mouvement qui s’apparentait à une purge dictée par le besoin que ressentait le pouvoir de s’assurer une discipline totale au sein de l’appareil judiciaire, un des piliers sur lequel le régime avait arc-bouté son passage en force après la déchéance de Bouteflika.
Une fois arrivé au pouvoir, Abdelmadjid Tebboune s’est employé à donner des gages de bonne volonté en prévision du dialogue qu’il compte ouvrir avec les acteurs politiques pour une sortie de crise. Belkacem Zeghmati s’est donc exécuté une seconde fois en faisant libérer, cette fois, les détenus d’opinion dans l’emprisonnement arbitraire desquels il s’était rendu complice quelques mois auparavant.
La «conciliation» à laquelle Abdelmadjid Tebboune veut parvenir semble, en tout cas, impossible tant que Belkacem Zeghmati fera partie du paysage politique. C’est ce que pensent de nombreux observateurs, des personnalités politiques et des figures de proue du Mouvement de contestation populaire qui ne comprennent pas pourquoi ce même Zeghmati ne fait pas preuve d’autant d’ardeur déconcertante contre les mercenaires qui infestent les réseaux sociaux et qui sèment la discorde et la haine entre les Algériens jusqu’à menacer l’unité et la sécurité du pays.
A. S.
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