La Constitution devra passer par un référendum : vers un 12 décembre bis ?
Par Mohamed K. – Abdelmadjid Tebboune fait face à un dilemme difficile à résoudre. La désignation, ce mercredi, de l’équipe qui sera chargée de penser l’architecture de la nouvelle Constitution, si elle exprime une volonté d’aller vite dans les réformes qu’il a promises durant sa campagne électorale, ne pose pas moins le problème de son adoption. Le successeur d’Abdelaziz Bouteflika ne pourra pas faire amender la nouvelle Loi fondamentale par le Parlement, comme l’avait fait son prédécesseur en 2016 qui voyait déjà sa cote baisser de façon drastique au sein de l’opinion publique au point de la contourner.
Contrairement au Président déchu qui pouvait encore, à l’époque, s’appuyer sur le Parlement croupion dans un contexte où l’achat de la paix sociale lui assurait encore un minimum de stabilité, le nouveau locataire d’El-Mouradia souffre de plusieurs handicaps. Son avènement au pouvoir s’est fait aux forceps sur fond de contestations populaires politiques que le régime n’a pu affaiblir, ni par la répression ni par l’amadouement. Le Hirak se poursuit de plus belle et ne semble pas décidé à abdiquer alors que les tenants du pouvoir qui ont exécuté le passage en force du 12 décembre s’attendaient à une atténuation de la révolte populaire pacifique, voire à son extinction après cette date.
Abdelmadjid Tebboune n’a pas d’autre choix que de passer par un référendum pour valider sa Constitution. Or, le taux d’abstention jamais enregistré depuis l’indépendance lors de la présidentielle qui l’a porté au pouvoir fait qu’une réédition du scénario du 12 décembre dernier ne fera qu’élargir le fossé qui sépare le peuple majoritaire des décideurs. L’Algérie se retrouverait alors avec un Président mal élu et une Constitution obsolète.
Enfin, l’armée à laquelle Ahmed Gaïd-Salah a fait jouer un rôle politique sous Bouteflika, et après sa démission, s’est éloignée des feux de la rampe sous lesquels l’ancien chef d’état-major l’avait mise et avait failli créer une dichotomie entre le peuple, qui manifeste pour l’avènement d’un Etat civil, et l’institution militaire à laquelle il (le peuple) voue pourtant respect et admiration.
Abdelmadjid Tebboune ne pourra donc plus compter sur les Tagarins pour mener à terme son programme politique. Il devra, pour ce faire, se tourner vers l’opposition et le Hirak pour tenter de les faire adhérer à son projet. Les partis politiques ont d’ores et déjà fait part de leur disposition à participer au dialogue qu’il veut entamer au plus tôt, en posant des préalables avant de s’asseoir à la table des négociations. Quant au Mouvement de contestation populaire, il s’en tient à son refus catégorique de consentir à toute initiative qui viendrait d’un pouvoir qu’il juge illégitime.
La partie est loin d’être jouée.
M. K.
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