Des articles de la Constitution sèment les germes de la haine et du racisme
Par Youcef Benzatat – En définissant la personnalité de base de l’Algérien sur une identité fondée sur le triptyque arabité, islamité et amazighité, les concepteurs de la Constitution ont d’emblée semé les germes de la haine et du racisme parmi le peuple.
La limitation de l’identité à l’arabité et à l’amazighité exclut des pans entiers de la population de leur appartenance au peuple algérien. Cette conception de l’identité est ethniciste, car elle ne prend pas en compte les métisses, ceux qui sont issus du brassage de la population algérienne avec les peuples qui sont venus s’installer sur nos terres depuis la nuit des temps. Ceux-ci sont souvent pris à partie dans des dérives langagières haineuses et racistes à travers l’expression de «bâtard», qui inondent aujourd’hui les échanges sur les réseaux sociaux. A travers cette expression de «bâtard», la haine envers les métisses est portée jusqu’à l’abjection par l’amalgame fait entre le métissage d’origines ethniques diverses et le produit d’un adultère, car le métissage dans ce cas est perçu comme l’équivalent d’un adultère ethnique. Cette délimitation de l’identité enferme la population dans un ghetto dans lequel aucune personne d’un autre pays ne peut devenir algérien dans l’avenir, ni même les descendants d’Algériens issus du métissage avec d’autres peuples ne peuvent être admis sous cette définition de l’identité.
En consacrant l’islam religion de l’Etat, les auteurs de la Constitution se sont en premier rendu coupables de discrimination envers les non-croyants ou les croyants en d’autres religions. Ils ont donné le droit aux croyants musulmans de haïr et de persécuter impunément tous ceux et celles qui ne partagent pas avec eux leur croyance religieuse. Cela se vérifie les mois de Ramadhan de chaque année où les non-jeûneurs sont persécutés aussi bien par les croyants musulmans que par les services de sécurité. Les pratiquants de la religion chrétienne sont eux aussi persécutés de la sorte. Parfois, il a seulement suffi d’être pris en possession d’une bible pour se voir arrêter et embarquer par la police ; c’était le cas d’une femme à Oran. Les militants en faveur de la laïcité sont considérés comme des traîtres à la patrie à la solde de l’Occident. Au mieux, ils sont traités d’égarés qui sont victimes de mimétisme d’un Occident qu’ils idéalisent par perte de leurs repères et de leur personnalité. Quant au Code de la famille, puisé dans un islamisme archaïque et enraciné dans un patriarcat des premiers âges, qui est aussi discriminatoire envers les femmes que l’est ce triptyque, il exclut la moitié de la population de ses droits à disposer d’elle-même et d’organiser sa vie librement selon ses désirs d’être au monde.
Depuis le recouvrement de notre indépendance, nous nous sommes enfermés derrière les barbelés de ce triptyque dans un ghetto qui nous a coupés du monde et de sa contemporanéité, en nous auto-infligeons à nous-mêmes ces discriminations constitutionnelles qui ouvrent toutes les portes à la haine et au racisme les plus ordinaires, ceux qui sont intériorisés comme une donnée naturelle et légitime. Vouloir adopter une loi criminalisant le racisme et la haine, il va falloir commencer par débarrasser la Constitution des foyers où couvent les germes de ces fléaux et penser la citoyenneté sur des fondements du vivre-ensemble indépendamment de la sexuation, des origines ethniques ou des croyances religieuses.
Y. B.
Comment (79)