Un institut américain s’interroge : «L’Algérie surmontera-t-elle sa crise ?»
Par Houari A. – L’institut américain basé à Washington Brookings Institution s’est interrogé, dans une étude publiée cette semaine, sur la capacité de l’Algérie à «surmonter sa crise politique de longue durée». «Alors que l’armée a démis de force Bouteflika le 2 avril, le mouvement pacifique ne se contente pas des demi-mesures ou des réformes de façade que proposent les autorités. Au lieu de cela, le gouvernement doit répondre aux demandes du Hirak et initier un véritable changement, plutôt que d’utiliser des subterfuges pour maintenir le système actuel», note cet institut, qui rappelle que «des millions d’Algériens défilent toujours dans le pays tous les vendredis pour exiger le démantèlement du régime et la mise en place d’un véritable système démocratique civil».
«Confronté à un mouvement de protestation vigoureux, le gouvernement Bouteflika a lancé une feuille de route avant son éviction le 2 avril. Le puissant vice-ministre et chef d’état-major, Ahmed Gaïd-Salah, a cherché à mettre en œuvre ce plan. Son objectif était de nommer un Président fidèle pour fournir une façade civile aux militaires afin de maintenir le même système», souligne l’étude de Brookings, en précisant que si «le Hirak a réussi à forcer le régime à annuler les deux élections prévues en avril et juillet, Gaïd-Salah a pu imposer une nouvelle date, le 12 décembre, sans tenir compte de la volonté du peuple». «La participation des électeurs à ce scrutin était la plus faible de l’histoire de l’Algérie», rappelle l’institut qui constate que «le Hirak est resté remarquablement pacifique» et «n’a pas perdu de son élan».
Pour Brookings Institution, le nouveau gouvernement a «échoué», car il «s’attendait à ce que ce processus apaise le Hirak, mais en vain», en notant que le fait qu’Abdelmadjid Tebboune soit désormais le ministre de la Défense et le chef suprême des forces armées, «cela ne prouve pas qu’il détient le véritable pouvoir». «Ainsi, selon le think tank américain, le président Tebboune a raté une occasion de susciter la confiance entre l’Etat et la société et d’entamer une véritable transition vers un ordre politique démocratique». «Sans surprise, les manifestants ont de nouveau rejeté le dialogue avec ce qu’ils considèrent comme un Président et un gouvernement illégitimes», observe Brookings pour lequel «les nouvelles autorités ont fait peu de concessions au Hirak».
S’agissant du dialogue proposé par Tebboune, celui-ci «ne sert à rien d’autre, dans les circonstances actuelles, qu’à donner au gouvernement un semblant de légitimité», selon l’institut américain qui indique que «la crise n’est pas seulement politique», en ce sens que «l’économie a beaucoup souffert depuis l’effondrement des prix du pétrole en 2014». Et d’expliquer qu’Abdelaziz Djerad n’a pas nommé un ministre de l’Economie «probablement parce qu’aucun économiste de premier plan – comme Ahmed Benbitour – ne souhaite se joindre à un Exécutif qui pèche par un manque de légitimité».
«Au-delà de l’économie, la poursuite de la crise représente un risque pour la sécurité, l’Algérie fait face à des menaces majeures le long de ses frontières, notamment en Libye et au Sahel», rappelle enfin Brookings Institution qui prône une «véritable transition démocratique à travers une Assemblée constituante ou tout autre mécanisme de transition consensuel» qui doit passer par la «dissolution du Parlement actuel».
H. A.
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