Complexe maladif
Par Abdelkader S. – Les encenseurs de l’arabité renfermée, confinée, recluse, recroquevillée sur elle-même, ces complexés par la langue de Molière ont exulté en écoutant le ministre des Affaires étrangères, Sabri Boukadoum, s’exprimer en langue arabe devant son homologue français, Jean Yves Le Drian. «Victoire sur l’occupant !» se sont-ils écriés en chœur, fiers que le représentant de l’Algérie indépendante ne ruminât pas ce verbe qui rappelle le passé de colonisé.
Incroyable ! Près de soixante ans après le cessez-le-feu, il s’en trouve encore des Algériens qui refusent de séparer la France coloniale de celle des Lumières, celle de Descartes, de Zola, de Sartre, de Fanon, de Jeanson, de Chaulet, de Vautier et de tant d’autres qui ont pris fait et cause pour la guerre d’indépendance, sont morts pour elle, ont été emprisonnés et torturés parce qu’ils ont dit haut et fort leur soutien à la cause algérienne.
L’enfermement sur soi, entamé sous Boumediene dès le milieu des années 1970, a constitué le début d’une descente aux enfers qui s’est terminée par l’envahissement du pays par la pensée ultraconservatrice qui enfantera, plus tard, l’extrémisme religieux. L’Algérien ne faisant pas dans la demi-mesure, il fallait que nous fussions plus arabisés que les Arabes et plus islamisés que tout le monde musulman réuni. Nous en avons trop fait, au point où nous nous sommes soulevés les uns contre les autres dans une confrontation voulue par les lobbies passéistes français et les régimes moyenâgeux arabo-persiques.
Cette confrontation idéologique s’est exacerbée depuis l’irruption du Mouvement de contestation populaire, à la faveur des discours racistes d’un ancien vice-ministre de la Défense à qui l’histoire ne pardonnera pas d’avoir voulu diviser les Algériens pour sauver le système corrompu qu’il a couvé durant quinze longues années. Les effets de ces discours haineux se ressentent encore dans ce genre de réactions complexées dont les auteurs croient qu’en cachant le français sous la langue le temps d’une conférence de presse, l’Algérie se serait comme à nouveau libérée.
L’essentiel est ailleurs. Là où ces superpatriotes illusionnés par leur chauvinisme ne regardent pas.
A. S.
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