Constitution et réforme des institutions : Tebboune choisit le chemin le plus long
Par Kamel M. – Abdelmadjid Tebboune a dévoilé sa feuille de route concernant la réforme des institutions et l’amendement en profondeur de la Constitution qu’il compte introduire durant son mandat. Le chef de l’Etat semble avoir choisi le chemin le plus long pour aboutir à son objectif bien que la situation urge. Il n’est pas malaisé de comprendre les nombreux écueils qui attendent le successeur de Bouteflika.
Pris entre le marteau d’un système figé et gangrené, hérité des vingt ans de règne sans partage de son prédécesseur, et l’enclume de la majorité populaire qui ne reconnaît pas la nouvelle direction politique du pays, Abdelmadjid Tebboune compte sur le temps pour s’affirmer à la tête de l’Etat en tant que courroie de transmission entre le pouvoir honni par le peuple et les citoyens qui continuent de réclamer le départ de tous les symboles du régime au lendemain d’une élection présidentielle qui aura enregistré le taux d’abstention le plus élevé depuis l’indépendance du pays.
Selon Abdelmadjid Tebboune, la première mouture de la Constitution révisée sera d’abord soumise aux deux chambres du Parlement avant d’aller vers un référendum une fois que le texte sera enrichi par «le plus grand nombre d’intervenants», a-t-il affirmé lors de sa rencontre avec des représentants des médias hier. Cette approche présente déjà le handicap de l’illégitimité du Parlement actuel, issu du mandat de Bouteflika. Comment des députés et des sénateurs non reconnus peuvent-ils être sollicités pour donner leur avis sur la Loi fondamentale, qui remplacera celle qu’ils ont votée à la majorité absolue, et que Tebboune affirme contester car ayant été élaborée sur mesure pour l’ancien Président déchu ?
Autre dilemme pour Tebboune, le taux de participation quasi nul au dernier rendez-vous électoral présage, selon toute vraisemblance, une désaffection des citoyens qui bouderont l’urne et rééditeront le coup du 12 décembre. Le Président n’aura fait, alors, que confirmer son illégitimité aux yeux de l’opinion publique qui considérera l’adoption de la nouvelle Constitution comme un nouveau fait accompli inacceptable.
Le chef de l’Etat a, par ailleurs, abordé la question de la loi électorale qu’il veut également réformer, en précisant au passage que la nouvelle Constitution aura pour première conséquence la nécessité de réviser toutes les lois qui seraient contradictoires avec celle-ci. Beaucoup de textes en vigueur pourraient être abrogés, selon lui, en fonction de leur adéquation avec le nouveau régime.
Un autre travail titanesque qui prendra de longs mois, cependant que de nombreuses décisions doivent être prises immédiatement pour faire table rase du passé récent, marqué par de graves dérives du pouvoir sous Gaïd-Salah qui a posé les fondements d’une véritable dictature militaire qui n’a fait qu’aggraver la crise et exacerber la colère des citoyens, de plus en plus nombreux à rejoindre le mouvement de contestation populaire.
Il va sans dire que le programme d’Abdelmadjid Tebboune calera s’il n’arrive pas, dans un laps de temps court, à gagner la confiance de la population par des décisions courageuses qui montreront qu’il est le véritable détenteur du pouvoir et qu’il est véritablement, comme il le répète inlassablement, du côté du Hirak dont il œuvre à concrétiser les revendications.
K. M.
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