Gaz de schiste : deux ministres actuels contredisent le président Tebboune
Par Mohamed K. – On en oublierait presque qu’ils sont dans le même camp. Deux membres du gouvernement sont farouchement opposés à l’exploitation du gaz de schiste à laquelle Abdelmadjid Tebboune appelle de tous ses vœux. La sortie du président de la République, ce mardi, risque de raviver la colère des habitants du sud du pays qui avaient mené un combat acharné contre le recours à cette énergie non-conventionnelle décidée sous Bouteflika, visiblement sur «conseil» du lobby énergétique français qui cherche des débouchés dans le désert algérien après que les autorités françaises en ont interdit l’extraction en France.
Le ministre de l’Industrie, Ferhat Aït Ali, n’a pas mâché ses mots dans une émission diffusée par une webradio, en affirmant que l’exploitation du gaz de schiste «est une blague de mauvais goût». Prenant l’exemple américain, cet économiste a expliqué que les Etats-Unis «ont une stratégie qui consiste à s’autonomiser vis-à-vis du marché mondial, quitte à noyer le marché, mais pas pour engranger de grandes ressources car les marges ne sont pas énormes». Il a attiré l’attention sur le fait que «les firmes qui se sont engagées dans cette voie ont de gros problèmes en Bourse et avec les banques parce qu’elles sont surendettées».
«Ce qui est étonnant, a surenchéri Ferhat Aït Ali, c’est que le ministre de l’Energie (sous Bouteflika) a argué qu’il y avait des pays qui attendaient le crash du gaz de schiste américain pour rebondir avec leur pétrole conventionnel et s’est contredit deux heures plus tard en soutenant que si l’Algérie exploitait le gaz de schiste, cela générerait de grandes rentrées d’argent pour le pays». «Comment donc l’Algérie pourrait-elle faire des bénéfices là où le géant américain se serait cassé les dents ?» a-t-il ironisé.
«Là où les Américains payent 2,5 millions de dollars pour un puits moyen, l’Algérie en payerait 7 au minimum. Un puits de gaz de schiste a une durée de vie de quatre ans non linéaires au grand maximum, 80% de chute de la production sont enregistrés dès la deuxième année. Il faudrait donc creuser 2 000 puits d’un coup pour obtenir 20 milliards de mètres cubes, sans compter qu’il faudra en creuser de nouveaux chaque année», a encore dit Ferhat Aït Ali, très dubitatif. Et de s’interroger : «Pourquoi les Etats-Unis insistent-ils pour nous vendre leur technologie et nous incitent-ils à aller dans ce sens mais ne soumissionnent jamais quand l’Algérie lance les appels d’offres internationaux ?»
«Les Américains nous ont toujours pris pour des gnous et ils n’ont pas tout à fait tort», a-t-il regretté.
De son côté, l’actuel ministre de l’Enseignement supérieur, Chems-Eddine Chitour, rappelait sur les ondes de la Radio Chaîne III qu’il a été interdit au groupe français Total d’exploiter le gaz de schiste en France, mais qu’«il va forer ici (en Algérie, ndlr)». «Cela, a-t-il expliqué, ne peut vouloir dire qu’une chose, c’est que le gaz de schiste est une calamité».
Pour cet ancien enseignant universitaire, «autoriser l’exploitation du gaz de schiste revient à dire que nous hypothéquons l’avenir du Sud où il y a une nappe phréatique de 45 000 milliards de mètres cubes d’eau». «Cette richesse que constitue le gaz de schiste ne pourra pas être exploitée avant 2030, lorsque la technologie sera mature et les personnels seront formés», a-t-il insisté, avant de conclure, catégorique : «En tout cas, ce n’est pas le moment.»
M. K.
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