Khalti Baya et Papillon : deux icônes atypiques du Mouvement populaire
Par Abdelkader S. – Focalisés sur les figures de proue du Hirak, les tribuns Mustapha Bouchachi, Nabila Smaïl et autre Zoubida Assoul, ou les symboles de la Guerre de libération nationale, Lakhdar Bouragâa et Djamila Bouhired, les Algériens n’en ont pas moins découvert deux visages atypiques qui ont marqué le Mouvement populaire du 22 Février jusqu’à devenir une sorte de porte-parole des sans voix. Khalti Baya et Papillon vivent, chacun, une vie difficile faite d’épreuves et de tourments. Ils ont trouvé dans cette révolte partagée le moyen de faire entendre leur complainte jusque-là sourde et, à travers eux, celle de millions d’Algériens qui souffrent en silence.
Khalti Baya est cette respectable dame atteinte d’un cancer, mais que la maladie n’empêche pas de battre le pavé tous les vendredis pour réclamer le changement. Devenue populaire grâce à ses interventions spontanées et sincères, elle a été malmenée sans respect aucun par des agents qui l’ont conduite loin de la capitale et l’ont relâchée au milieu de nulle part pour que cela lui «serve de leçon». Elle raconte sa mésaventure la voix chevrotante. «Ils m’ont brutalisée, m’ont embarquée dans une voiture banalisée, ont pris mes médicaments et m’ont abandonnée aux abords d’une autoroute. Heureusement que des citoyens m’ont aidée à regagner mon domicile», a-t-elle confié, déterminée à poursuivre son combat et ne pas céder à ces immondes provocations, ordonnées par on ne sait quelle officine secrète.
Papillon, lui, vit dans la rue. Sans domicile fixe, paraissant attardé au premier abord, cette impression disparaît dès qu’il prononce les premiers mots. Sa grande éloquence et sa culture générale qui contrastent avec sa situation sociale ont fini par le sortir de l’anonymat et le faire aimer par le plus grand nombre qui suit ses harangues avec intérêt. Quand l’hétéroclite Papillon analyse la situation politique dans le pays et même les questions géostratégiques, comme la crise libyenne, les «gens normaux» écoutent tels des disciples suspendus aux lèvres du précepteur. «Quelqu’un m’a offert deux milliards et un logement», a-t-il révélé ce vendredi. Mais il dit avoir décliné courtoisement, car il refuse d’être «corrompu» par les biens putrescibles de ce bas-monde, lui le sage qu’on croyait fou, l’ascète qu’on croyait vagabond.
A. S.
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