Libération de Samir Belarbi : on achève bien le Hirak
Par Youcef Benzatat – On ne peut que se réjouir de la libération de Samir Belarbi, un hirakiste de premier plan, avec autant d’aura, de recouvrer sa liberté et d’être réhabilité de toutes les charges qui pesaient sur lui. Néanmoins, cette libération inattendue et de surcroît médiatisée par des chaînes de télévision au service de la contre-révolution, qui ont diffusé en boucle des interviews problématiques de Samir Belarbi depuis sa libération, au même moment où la répression et les arrestations de hirakistes se poursuivent avec férocité, ne peut qu’éveiller des soupçons et alimenter notre scepticisme et notre incrédulité en la bonne volonté et la bonne foi du pouvoir.
Dans ses déclarations, Samir Belarbi se focalise sur la levée des principales charges qui pesaient sur lui, celles d’avoir été accusé de hirakiste subversif qui menacerait l’unité et l’intérêt national. Mais là n’est pas le plus important ; il insiste surtout dans ses déclarations, volontairement ou inconsciemment, sur le fait que le tribunal qui l’a relaxé l’aurait fait souverainement et par conséquent, la justice, au moins dans cette affaire, aurait recouvré son indépendance du pouvoir exécutif ou du pouvoir tout court. A n’en douter, Samir Belarbi croit où veut nous faire croire que c’est le juge chargé de son dossier qui l’a libéré souverainement et indépendamment de toute injonction de quelque cercle occulte du pouvoir. L’indépendance de la justice se retrouve ainsi au centre de ses déclarations et il n’hésite pas à vouloir faire croire que c’est là une amorce de victoire de la principale revendication du Hirak, celle de l’Etat de droit. En ce sens, il va jusqu’à rappeler l’épisode de la mutinerie des magistrats au mois de mars en les haranguant à l’occasion de revenir sur le terrain de la lutte pour un Etat de droit.
Toute cette affaire résonne comme une mauvaise mise en scène destinée à un public peu regardant sur les artifices de la manipulation des masses et de la propagande à des fins populistes. Alors que dans un premier temps, avant d’avoir été relaxé, le procureur aurait requis 3 ans de prison ferme et 50 000 DA d’amende. De quoi alimenter la polémique sur une confusion due à une rivalité au sommet du pouvoir et que celle qui aurait eu le dernier mot serait celle qui œuvre pour un véritable Etat de droit. L’objectif serait de convaincre la grande masse des hirakistes de la bonne foi du régime et sa volonté de vouloir rétablir l’Etat de droit, aux fins d’inciter le plus grand nombre à cesser de participer aux manifestations hebdomadaires du Hirak ou du moins les détourner de la contestation de la légitimité du pouvoir.
La libération de Samir Belarbi apparaît comme une initiative à moindres frais pour le pouvoir, car ce dernier serait moins «nocif» que Karim Tabbou ou Fodil Boumala. A remarquer que Samir Belarbi n’a à aucun moment dans ses interviews évoqué la dictature, ni fait allusion à cette exigence principale du Hirak qu’est l’Etat civil de manière insistante, ni même à la légitimité de l’institution judiciaire dans son fondement dont il fait l’éloge.
L’arrestation arbitraire et la séquestration des figures emblématiques du Hirak, en plus de les avoir éloignées du terrain de la lutte et d’avoir neutralisé leur influence directe sur les manifestants, il était attendu qu’ils pouvaient servir de monnaie d’échange au moment opportun. Ce moment est venu, celui de légitimer la façade civile d’un pouvoir en mal de dissimulation et venir à bout du Hirak en l’affaiblissant dans la durée. Karim Tabbou et Fodil Boumala sont prévenus.
Y. B.
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