Le Hirak s’anoblit de semaine en semaine
Par Saadeddine Kouidri – Si le Hirak est révolutionnaire dans le fond, il reste malléable dans sa forme. Si le fond est dans la présence des citoyens algériens qui revendiquent le changement, la forme elle, est malaxée par les minorités qui tentent de lui donner sa couleur. Le clan n’est qu’un maillon du libéralisme affilié au système capitaliste mondial. Poursuivre dans ce système comme le préconisent certains ne peut que nous maintenir dans le 5e mandat. Revenir au socialisme spécifique de la pensée unique serait un non-sens. Seul l’accompagnement du mouvement citoyen peut converger vers un nouveau paradigme.
L’Algérie, par sa richesse en hydrocarbures et par son manque de production dans plusieurs domaines vitaux, exporte du gaz et du pétrole pour importer de multiples produits. On peut à ce seul constat déduire que notre pays ne peut jouer aucun rôle majeur dans ce monde régit par le système capitaliste dit libéral. Coller l’échec de tout un pays à un seul homme, ne fait que le rehausser dans les esprits inconscients et dans sa classe, celle des rapaces. Et, d’autre part, ce n’est ni plus ni moins qu’une tentative de disculper d’une énième façon le vrai responsable qui est, en l’occurrence, le mécanisme du système capitaliste dont il n’est qu’un rouage.
Il existe des riches plus riches qu’une nation qui appauvrissent de plus en plus les hommes et mettent en danger la planète. C’est la conséquence de ce système dominant le monde dont le moteur a toujours été le profit. A ce sujet, Marx écrivait : «Le capital a horreur de l’absence de profit. Quand il flaire un bénéfice raisonnable, le capital devient hardi. A 20%, il devient enthousiaste. A 50%, il est téméraire ; à 100%, il foule aux pieds toutes les lois humaines et à 300%, il ne recule devant aucun crime». La question est donc : comment rester dans le bénéfice raisonnable dans le cas où on est incapable d’aller vers un nouveau paradigme, c’est-à-dire dans le cas où la convergence dévie ?
La révolution est le plus souvent une accélération et, parfois, juste, une mise à jour de l’histoire des peuples. Elle est nécessaire tant que les pratiques barbares, les guerres ou le fait de ne pas secourir des naufragés ne sont pas condamnés à la fois par les instances internationales et tous les citoyens du monde. La révolution est ce qui met le mouvement naturel à la cadence de l’humain, aux desiderata des peuples. La cadence du mouvement est mue par le mécanisme du moteur de la sélection naturelle. Il faut rappeler que si cette sélection était initialement pour l’élimination du plus faible, il y a des millions d’années, elle s’est transformée, au cours du temps, crescendo, en puissance protectrice grâce aux instincts sociaux et, en premier, celui de l’instinct maternel. La sélection naturelle est un mécanisme régulateur du vivant qui favorise le développement de la conscience et de la lucidité, laquelle évidemment ne peut que s’éloigner de la cécité et de l’indifférence, selon Darwin.
Kateb Yacine rappelait qu’une rotation de la terre était qualifiée de révolution. C’était sa façon de défier la réaction, pour lui dire que face à un tel mécanisme de la nature, l’Homme, quelle que soit sa puissance, ne peut l’entraver.
Pourquoi que Ali Benhadj, un des dirigeants du FIS dissous est-il en liberté alors qu’il enfreint la loi en étant chef d’un parti illégal, alors que les jeunes manifestants le sont pour délit d’opinion ? Quelle est cette opinion, Monsieur le ministre de la Justice, qui mène vers la prison ? Peut-il exister une autre plus dangereuse que celle qui a fait plusieurs dizaines de milliers de morts et de blessés, si ce n’est celle qui se sert de la religion pour corrompre la conscience et particulièrement celle des jeunes jusqu’à les mener au terrorisme, au banditisme, à l’émigration clandestine ?
Ali Ghediri est-il en prison pour avoir affirmé qu’il connaissait le secret de la triche aux élections et qu’il avait la solution à ce problème ou est-ce pour avoir porté la contradiction dans la presse au manitou de sa corporation ? Dans les deux cas, il est en prison pour délit d’opinion, c’est le moins que l’on puisse dire. Tous les détenus pour délit d’opinion doivent être relâchés comme l’exige le Hirak pour pouvoir mieux débattre.
Le projet de société ne fait toujours pas l’unanimité à ce jour et c’est pour cela que le débat dans cette agora populaire doit durer jusqu’à faire accepter par tous cette liberté qui permet l’égalité dans le moindre recoin et jusqu’au fin-fond du pays, irréversiblement.
S. K.
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