Les Tunisiens réagissent violemment à l’affaire des 150 millions de dollars
Par Abdelkader S. – Comme il fallait s’y attendre, les Tunisiens ont réagi aux critiques acerbes des Algériens après l’annonce par Abdelmadjid Tebboune de déposer 150 millions de dollars à la Banque centrale de Tunisie. De nombreux citoyens tunisiens ne se sont pas empêchés de déverser leur colère sur les internautes qui se sont défaussés sur nos voisins de l’Est pour avoir, disent-ils, «pris» l’argent des Algériens alors que ces derniers vivent une situation sociale dramatique.
Les Tunisiens rappellent, à juste titre, que la Tunisie a servi de base arrière à la Guerre de libération nationale et que ce soutien actif à la Révolution armée algérienne a coûté cher au peuple tunisien, qui a subi les affres des représailles de l’ancienne armée coloniale. Ce rappel coïncide justement avec la célébration de l’anniversaire des massacres de Sakiet Sidi Youssef, cette ville située à quelques kilomètres de la frontière avec l’Algérie, où le sang des Algériens et celui des Tunisiens se sont mêlés et où le ministre des Moudjahidine, Tayeb Zitouni, s’est déplacé pour renouveler les remerciements de l’Algérie au peuple tunisien pour ce sacrifice.
Les Tunisiens rappellent également que durant la décennie sanglante, la Tunisie a verrouillé ses frontières pour éviter que des actions terroristes soient menées à partir de son territoire, alors que le Maroc, soulignent-ils, avait fait des siennes une passoire et une zone de repli pour les terroristes du GIA, au point d’avoir hébergé le fondateur d’un des groupes les plus sanguinaires, Abdelhak Layada, sur son sol, avant que les autorités algériennes ne réclament son extradition vers l’Algérie.
Côté algérien, des observateurs avisés expliquent que le soutien multiforme de l’Algérie à la Tunisie obéit à des considérations géostratégiques, hormis les liens de fraternité qui lient les deux peuples, quoi qu’on en dise. Ces observateurs notent qu’au lendemain de la chute du régime de Ben Ali, des monarchies du Golfe avaient des visées sur ce pays voisin, ce qui a poussé l’Algérie à intervenir sans tarder pour éviter que la Tunisie tombe dans les griffes du Qatar à travers le parti islamiste d’Ennahdha, affidé des Frères musulmans financés par Doha.
Les aides financières visent également à assurer une stabilité sociale dans ce pays qui subit de plein fouet la crise libyenne et qui accueille sur son sol la majorité des réfugiés libyens. A ce propos, ces observateurs soulignent que, contrairement à ce que croient les Algériens qui se fourvoient dans des comparaisons inappropriées, le système de santé en Tunisie n’est pas meilleur qu’en Algérie, en expliquant que les Algériens qui se rendent dans ce pays pour se soigner ne vont pas dans les hôpitaux publics mais dans les cliniques privées, érigées majoritairement grâce à des fonds libyens, d’où la présence nombreuse de patients venant de ce pays livré à une guerre civile dévastatrice depuis le renversement de Mouammar Kadhafi.
Toute cette polémique est donc stérile et est née d’une mauvaise compréhension des enjeux qui associent les deux voisins.
A. S.
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