Gouvernement et Parlement se livrent une guerre de survie par Hirak interposé
Par Nabil D. – La passe d’armes entre le Premier ministre et les députés est perçue par les observateurs comme une guerre de survie face au rejet massif des citoyens qui ne reconnaissent ni l’Exécutif ni le Parlement hérité de l’ère Bouteflika. Si Abdelaziz Djerad avait besoin de se démarquer du gouvernement précédent, pour s’affirmer comme une nouvelle figure politique que rien ne lie à l’ancienne équipe gouvernementale dirigée par un des trois «B» dont le peuple majoritaire réclamait le départ, les députés, eux, n’avaient pas d’autre choix que de faire mine de s’aligner sur le Hirak en jouant le tout pour le tout à travers une critique acerbe, et sans ménagement, de l’action du successeur de Noureddine Bedoui.
Abdelmadjid Tebboune a du mal à transcender la situation d’illégitimité qui rend sa mission quasi impossible. Elu à l’issue d’un scrutin boycotté massivement, l’actuel président de la République a besoin de légitimer son action, en faisant table rase de l’action de son ancien collègue de l’Intérieur qui avait, pourtant, géré sous le règne éphémère mais chaotique de Gaïd-Salah la période de transition qui a débouché sur l’élection présidentielle controversée du 12 décembre dernier.
Les critiques sévères d’Abdelaziz Djerad, ce mardi, face à des députés qui se sont défaussés sur le gouvernement actuel résonnent comme un exutoire auquel membres du gouvernement et «élus» du Parlement recourent pour se neutraliser mutuellement dans l’hypothétique espoir de gagner le soutien des citoyens, qui continuent de manifester pour réclamer le changement radical du système de gouvernance.
Mais le procédé ne semble pas convaincre la rue qui renvoie dos-à-dos les deux «héritages» des vingt ans de règne sans partage de Bouteflika. L’Exécutif détient la carte de la gestion des finances publiques qui lui permettent de racheter la paix sociale par des mesures populistes dont certaines sont déjà été annoncées, à l’instar de l’augmentation du salaire minimum national garanti et le maintien des transferts sociaux malgré une crise financière aiguë, tandis que le Parlement adopte la posture de l’avocat plaidant en faveur des intérêts des citoyens en introduisant dans l’hémicycle Zighoud-Youcef les revendications citoyennes et les remontrances des manifestants.
C’est, en somme, à une guerre par Hirak interposé que se livrent deux institutions rejetées l’une comme l’autre par ce dernier.
N. D.
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