Bientôt la fin de la majorité des chaînes de télévision privées en Algérie ?
Par Nabil D. – L’ouverture anarchique du champ audiovisuel en Algérie en 2012 s’est accompagnée d’innombrables dépassements d’ordre moral et financier. Lancée au lendemain du conflit avec l’Egypte causé par l’agression de l’équipe nationale de football au Caire et la campagne enragée qui s’en était suivie, ces télévisions étaient perçues comme une «arme médiatique» face aux mastodontes des pays arabes, notamment l’Egypte, le Liban et les monarchies du Golfe. Mais les premiers graves dérapages se sont manifestés dès que les propriétaires de ces chaînes se sont aperçus du pouvoir qu’ils détenaient et de leur capacité à faire chanter les hommes d’affaires véreux et à faire taire les politiciens et autres juges ripoux.
D’une guerre légitime contre une invasion médiatique qui avait failli provoquer de graves événements en Algérie dans le sillage du «printemps arabe», propagé via les chaînes qatarie Al-Jazeera, saoudienne Al-Arabiya et émiratie Sky News, les télévisions privées algériennes sont devenues, au fil du temps, des outils de propagande annexés aux centres de décision qui s’en sont servis, et continuent de les utiliser, pour régler leurs comptes avec leurs adversaires.
Mais ces chaînes, qui ont distillé la charlatanerie et les messages de haine et de division, sont devenues une véritable menace pour le pays et les premières mesures semblent avoir été décidées pour mettre fin à cette pagaille médiatique. La création de l’Autorité de régulation de l’audiovisuel (Arav) par l’ancien président Abdelaziz Bouteflika devait jouer ce rôle mais ses présidents, le défunt Miloud Chorfi et Zouaoui Benhamadi, ont vite compris que l’institution qu’ils avaient été chargés de mettre en place et de diriger n’avait aucun pouvoir décisionnel et que, par conséquent, sa raison d’être même était remise en cause.
L’opinion publique avait été témoin d’une passe d’armes entre l’ex-Premier ministre Ahmed Ouyahia et l’actuel président de l’Arav suite aux critiques acerbes que le premier avait lancées à l’endroit des dirigeants de cette instance dont il avait pointé l’inaction face aux dépassements commis par de nombreuses chaînes, notamment Ennahar TV, dont le directeur vient d’être arrêté. Zouaoui Banhamadi avait répondu sèchement en accusant le gouvernement de ne pas consacré à l’Arav les moyens nécessaires pour mener à bien sa mission.
L’accrochage entre les deux responsables trahissait déjà l’absence de cohésion au sein du pouvoir et la multiplication des centres de décision, les uns utilisant ces outils de propagande contre les autres, chacun protégeant et entretenant une ou plusieurs chaînes contre ses adversaires dans la sphère politique mais aussi dans le milieu des affaires. Une situation qui demeure en l’état à ce jour mais qui, paradoxalement, conduira à la fermeture de plusieurs chaînes une fois que la question des sources de leur financement sera soulevée, tous leurs propriétaires recourant aux mêmes procédés frauduleux pour pouvoir payer le très coûteux signal pour pouvoir émettre via les différents satellites en devises étrangères.
N. D.
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