L’Union européenne et le pillage de l’Algérie : le recyclage de la rapine
Par Mouanis Bekari – Les réactions de l’ambassadeur et du chef-adjoint de la mission de l’Union européenne à Alger à l’hypothèse que les pays européens pourraient apporter leur concours à la récupération des sommes dérobées par les criminels qui ont infesté le pouvoir et sa périphérie viennent à point nommé pour rappeler le rôle déterminant joué par le système bancaire européen dans le pillage des ressources de l’Algérie. Car, si l’argutie invoquée – «les Etats de l’UE n’ont pas la mainmise sur les comptes des personnes suspectées» – est connue de tous les étudiants en première année de droit, elle laisse ouvertes les questions qui n’ont pas été posées : pourquoi les banques européennes ont-elles accepté d’abriter les sommes déposées par des personnalités algériennes au mépris des directives de l’UE en matière de vigilance à l’égard des PPE ? Quels sont les recours disponibles contre les banques qui se sont rendu complices des crimes commis par les PPE algériennes et contre les autorités européennes de contrôle qui n’auraient pas réagi aux signalements qui leur seraient parvenus ? L’UE est-elle vraiment résolue à faire respecter les lois qu’elle édicte afin que l’ambition proclamée par le Conseil de l’Europe en 2007, «le crime ne paie pas», soit autre chose qu’un slogan creux ?
Des interrogations qui avaient été formulées ici même par maître N. Azouaou, qui a détaillé le rôle déterminant du système bancaire européen dans le parachèvement de l’organisation du pillage de l’Algérie. Malheureusement, les précédents rapportés par cette étude ne laissent guère espérer autre chose que les mêmes propos lénifiants proférés par les représentants de l’UE, puisque «les enjeux financiers et politiques autour de la notion de PPE expliquent les obstacles permanents dressés par les banques et les autorités des pays requis, ainsi que le zèle procédural dont ils font preuve dans l’application des mécanismes de restitution des avoirs et des biens mal acquis aux peuples victimes des déprédations financières.»
Quand on sait la méfiance, pour ne pas dire la suspicion qu’inspire tout dépôt ou réception de sommes inhabituelles sur les comptes bancaires des citoyens de l’UE, alors qu’elles sont insignifiantes au regard de celles qui sont en jeu dans le cas des PPE, le byzantinisme des réponses des représentants de l’UE n’augure rien de bon. Car, en faisant semblant de croire que le problème des biens volés est circonscrit à la décrépitude des systèmes de contrôle des pays requérants et en passant sous silence le statut de receleur des banques européennes, les représentants de l’UE exonèrent leur système bancaire du rôle décisif qu’il joue dans l’organisation du brigandage qui aboutit à héberger les sommes détournées dans le circuit financier européen, pour son plus grand bénéfice et celui de ses protecteurs.
M. B.
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