Le diplomate chevronné Ramtane Lamamra marque son grand retour
Par Houari A. – Mésestimé chez lui, le grand diplomate algérien Ramtane Lamamra marque son retour au sein de l’Union africaine où il occupe désormais le poste de Haut représentant de l’UA pour l’initiative «Faire taire les armes». L’ancien ministre des Affaires étrangères, écarté de la vie politique en Algérie après une campagne acharnée malveillante au début du Hirak, explique dans un entretien au Magazine de l’Afrique que faire taire les armes, dans le continent africain comme ailleurs, «ne peut pas être une opération calendaire, arithmétique, mécanique et automatique». «Ce qui était important, c’était l’acte psychologique, politique, civilisationnel, de dire au moment de la célébration du cinquantenaire de l’OUA, devenue UA, qu’il ne devait pas y avoir d’avenir pour les confrontations fratricides en Afrique et que le moment était venu d’ouvrir une autre page de l’histoire de notre continent».
Ramtane Lamamra appelle à une «transformation des esprits et des comportements afin que nous devenions un exemple du vivre-ensemble dans la tolérance, dans la convivialité et l’harmonie». S’interrogeant sur les moyens de «léguer à la nouvelle génération un continent apaisé», il souligne que «les jeunes [Africains] ne sont pas responsables de la situation dans laquelle ils sont nés, dans laquelle ils grandissent». «Les crises, les conflits armés sont les résultats de processus historiques, et il est important de s’attaquer aux causes sous-jacentes et non pas simplement aux manifestations», a-t-il expliqué, en précisant que «les causes sont d’ordre économique, social, environnemental, et sont fonction de la gouvernance». «Il faut donc s’attaquer résolument à ces causes en créant de nouvelles conditions de vie, de nouvelles manières pour les Africains de se gérer, de travailler et de régler pacifiquement les difficultés.»
Pour Ramtane Lamamra, les conflits d’aujourd’hui sont d’une autre nature. «Ils reflètent, a-t-il dit, l’évolution de notre continent, l’évolution de nos sociétés internes». «Certes, les causes des conflits peuvent être objectives, mais les individus peuvent être cause d’aggravation de ces crises», a encore affirmé l’ancien chef de la diplomatie, selon lequel «dans beaucoup de pays africains, les situations conflictuelles sont à analyser à travers une double grille», à savoir «la nécessité de faire en sorte que le problème lié à l’unité nationale ne se fasse pas au détriment de toutes les diversités» et que «la vie dans les régions les plus prospères, la capitale, lieu du dynamisme économique, de vie intellectuelle, etc. ne se fasse pas au détriment des périphéries». Une problématique vécue en Algérie où Ramtane Lamamra avait occupé le poste de vice-Premier ministre pour une courte durée au paroxysme de la crise politique interne.
Pour l’ancien Haut représentant de l’UA, la deuxième partie du siècle devra être celle des «transformations profondes des mentalités, des comportements». L’Africain de demain doit, selon lui, être «véritablement acteur et bénéficiaire d’un renouveau démographique, de développement et de qualité de vie». «Les Africains ne peuvent être condamnés toute leur vie à rester bénéficiaires de l’aide publique au développement, les Africains ne doivent pas toute leur vie être marginalisés dans la gouvernance mondiale, les Africains doivent pouvoir être des partenaires à part entière dans l’évolution du monde contemporain, évolution qui se fait à pas cadencés», a-t-il indiqué.
«L’Afrique ne doit pas continuer à s’enliser dans des problèmes d’un autre temps», a souligné Ramtane Lamamra, qui explique les confrontations par le fait qu’«on ne développe pas assez le dialogue» qu’il préconise aussi à l’intérieur des pays «pour promouvoir les valeurs de la concorde, de la réconciliation nationale, du vivre-ensemble, en tant que citoyenneté participative».
H. A.
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