Les crânes de nos martyrs : dernier refuge du régime pour sauver sa tête
Par Mesloub Khider – Le président de la République, Abdelmadjid Tebboune, est revenu récemment, dans un discours lu en son nom par le ministre des Moudjahidine, Tayeb Zitouni, à l’occasion de la Journée nationale du Chahid, sur les crânes des martyrs qui sont entreposés au Musée de l’Homme de Paris, en France. «Aussi, forte de sa foi en la noblesse du sacrifice de ses glorieux martyrs grâce auxquels nous vivons librement, l’Algérie s’engage-t-elle à poursuivre la responsabilisation de l’ancien colonisateur pour la restitution de nos biens mémoriels et des ossements de nos chouhada», a-t-il dit, à ce propos.
Notre pays est un vaste cimetière où gît la population algérienne, sacrifiée sur l’autel d’un passé vivant de notre agonie quotidienne.
«Chaque pierre tombale couvre une histoire universelle», a écrit le poète révolutionnaire allemand Heinrich Heine. Chez nous, en Algérie, c’est notre histoire locale qui se couvre de multiples pierres tombales, exhumées et exhibées régulièrement pour enrober et enjoliver notre étique roman national erratique. Les cadavres gèrent notre pays et gouvernent notre mémoire. Les cimetières mémoriaux nous servent de bibliothèques dans lesquelles nous puisons nos connaissances sépulcrales.
Le peuple algérien aime se draper de reliques existentielles fossilisées. En matière spirituelle, il adore s’enflammer le cerveau avec des braises intellectuelles archaïques. Et au plan professionnel, inhiber ses ardeurs laborieuses avec les eaux glacées de l’oisiveté et les onguents de la fatalité.
Une vacuité mortifère enveloppe sa vie quotidienne macabre, pendant que le vivifiant passé magnifié occupe son attention et vampirise son temps. Réduit à l’état de mort-vivant, l’Algérien ne se nourrit que de littératures faisandées puisées dans un passé depuis longtemps enseveli. Tout se passe comme si son existence actuelle s’écoule sous une mortuaire histoire où sa vie s’écroule sous les effets conjugués de la répression étatique et de l’oppression islamiste, sur fond de vacuités existentielles.
L’Algérien affectionne admirer son avenir incertain dans le miroir fêlé de son ténébreux passé glorifié pourtant corrodé, en court-circuitant son présent évanescent et érodé.
Pour mieux immobiliser les vivants, on mobilise les morts illustres.
En Algérie, en pleine période de paix (sociale), les Algériens, affligés d’anémie intellectuelle et d’inanité culturelle, transformés en cadavres ambulants, sont enterrés vivants. Tandis qu’on est prêt à déclarer la guerre à la France pour rapatrier des crânes morts depuis deux siècles pour leur redonner une vie salvatrice à la pérennité d’un régime sénile, moribond, sur le point de rendre son âme souillée par sa politique prédatrice, prévaricatrice, dominatrice.
Décidément, les priorités des potentats indéboulonnables du pouvoir despotique actuel, en quête de légitimité nationale, sont toujours idéologiques. Et l’idéologie passéiste de ce régime cacochyme constitue un attentat à la jeunesse d’esprit de la fraîche génération algérienne éprise de modernité, de liberté, assoiffée d’actions et d’activités inscrites dans la contemporanéité. Une jeunesse aujourd’hui, depuis un an, jour pour jour, en pleine effervescence combative, incandescence militante, efflorescence politique, reviviscence révolutionnaire.
Cyniquement, faute de remplir mémorablement les assiettes du peuple algérien réduit au régime sec, l’omnipotent régime grabataire, mais à l’obésité despotique éclatante de santé répressive, peuple d’assiettes mortuaires les musées de la mémoire déjà amplement garnie de vestiges historiques frauduleux. Les ossements de nos vénérables défunts aïeux martyrs préoccupent davantage ces nantis repus que la santé de nos vulnérables citoyens contemporains faméliques au corps osseux rompu.
Ironie de l’histoire, si les colons accomplissaient leurs macabres œuvres de décapitation de nos glorieux martyrs au nom de la science, nos potentats dirigeants actuels justifient leurs manœuvres de rapatriement des crânes au nom de l’histoire pourtant saturée de ronces mémorielles. Cette même mémoire qui focalise à plein régime notre présente misérable attention, pendant que ce maffieux régime accapare les richesses avec notre bénédiction. Et si nos valeureux parents et grands-parents asservis ont fini par laver l’honneur en chassant les colons, nous, nous persistons dans le déshonneur de l’asservissement en permettant à ces nouveaux occupants de coloniser le pays, d’instrumentaliser nos glorieux martyrs pour perpétuer leur domination. Décidément, le divorce est consommé entre le peuple algérien en phase avec son temps, occupé à bâtir un meilleur présent, tourné résolument vers l’avenir, et le régime grabataire accroché au mythique passé, régime maintenu artificiellement sous perfusion à l’aide de sondes idéologiques mémorielles surannées, devenues inopérantes à force de saturations manœuvrières.
Enfin, l’état de délabrement des cimetières algériens dans lesquels les tombes tombent en ruine nous fait craindre de voir les crânes de nos ancêtres martyrs, une fois rapatriés, une seconde fois tués par la gabegie et la désinvolture de la bureaucratie funeste et funèbre algérienne.
Reposez en paix, mes frères Algériens vivants !
Portez-vous bien, mes aïeux frères martyrs morts depuis une éternité !
M. K.
(Fils de moudjahid)
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