Boniface : «Le Hirak est à la fois une grande force et une grande faiblesse»
Par Houari A. – Le politologue français Pascal Boniface a estimé que le Hirak algérien «est à la fois une grande force et une grande faiblesse». S’interrogeant s’il fallait voir le Mouvement de contestation populaire comme un verre à moitié plein ou à moitié vide, il a affirmé que le fait que le soulèvement pacifique en Algérie n’ait pas pris le pouvoir et n’ait pas débouché sur un changement complet des institutions de la gouvernance en Algérie peut être perçu comme un échec. «Mais le verre est même à deux tiers plein car beaucoup de choses ont été faites», a-t-il souligné, cependant.
«Au départ, il faut se rappeler que le Hirak était une mobilisation pour empêcher une cinquième candidature de Bouteflika, elle n’a pas eu lieu et Bouteflika a été contraint à la démission», a souligné Pascal Boniface dans un enregistrement vidéo diffusé la veille de la célébration de l’anniversaire de cet événement, qui a impressionné le monde entier par son caractère non violent. «Un an après, on peut dire que le Mouvement continue toujours, que la partie n’est pas finie et qu’il y a toujours des contestations pour changer cette fois-ci la Constitution», a encore dit le directeur de l’Institut des relations internationales et stratégiques, en précisant qu’«il faudra voir très rapidement sur quoi déboucheront les consultations lancées par Abdelmadjid Tebboune, s’il s’agit d’un simple replâtrage ou d’un changement fondamental». «Là, on peut dire que la partie est encore en cours», a-t-il noté.
La puissance du Hirak réside dans sa capacité de mobilisation par les réseaux sociaux «rapide, intense, large et durable», a affirmé Pascal Boniface, selon lequel «on peut considérer que les autorités comptent sur l’épuisement du Mouvement». «C’était déjà le cas de Gaïd-Salah lorsqu’il était au pouvoir, et c’est probablement l’objectif du président Tebboune qui doit penser que les gens vont se lasser», a-t-il observé, en constatant que «la mobilisation est toujours là» et que «la population ne va pas accorder un blanc-seing aux autorités».
«Si la nouvelle Constitution n’est pas satisfaisante, il y aura un regain de mobilisation», a prédit l’auteur de L’Atlas des crises et des conflits, pour lequel «le grand problème (du Hirak, ndlr), c’est l’absence de leader parce qu’un mouvement a besoin d’être incarné par un leader, quitte à ce que cela soit toujours contrôlé par le mouvement». «C’est la problématique de tous ces mouvements qui se mobilisent très rapidement et très largement, il y a toujours la crainte que les leaders soient déconnectés des réalités et pensent plutôt à eux et à leurs rivaux qu’au mouvement lui-même mais, en même temps, quand il n’y a pas de leader pour incarner le mouvement, celui-ci s’essouffle plus vite et, surtout, manque de débouchés politiques», a-t-il conclu, en regrettant que le Hirak «n’ait pas su dégager quelqu’un qui aurait pu se présenter à la présidentielle pour ensuite changer le système de l’intérieur».
H. A.
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