Euthanasie politique
Par Mrizek Sahraoui – A première vue, il peut sembler de l’ordre du possible à Emmanuel Macron de se succéder à lui-même au terme de son mandat. Il est vrai, il n’y a pas vraiment de leaders de l’opposition en capacité de rivaliser avec lui et lui disputer le château de l’Elysée. Qui plus est, les partis de gouvernement sont dans un tel état – le PS est à l’agonie, Les Républicains pédalent dans le sable – qu’il faudra un miracle non pas pour gagner, mais seulement pour que leurs candidats respectifs puissent accéder au second tour en 2022. Et cela, le Président sortant le sait et fait tout pour, sinon les euthanasier, tout au moins les laisser en état de mort cérébrale, plus utiles ainsi. Avec Macron, le Président disruptif hors pair, comprendre l’homme qui veut construire [après avoir tout rasé], il faut toujours laisser mourir le canard boiteux, une sentence arbitrale qui a fait office de ligne de conduite tout au long du quinquennat, selon ceux qui lui résistent encore : le peuple qui n’écoute plus les galimatias d’un Président hors-sol, totalement déconnecté de la dure réalité de la France d’en bas.
La notion de confiance qui devait régir la relation entre le président de la République et l’ensemble de la communauté s’est érodée, corrompue par une ambition démesurée d’aller très vite vers un monde nouveau [avec les dogmes, les mœurs et les usages du passé]. Un non-sens.
De nombreux observateurs, qui pointent en même temps la vacuité de l’action du Président, estiment qu’il y a, d’un côté, l’avers de la médaille qui brille à l’effigie de Macron et, de l’autre, son revers, lequel porte l’empreinte d’un malaise social grandissant, touchant tous les secteurs, et les stigmates des longs mois de contestation des Gilets jaunes violemment réprimés chaque samedi, «une dérive autoritaire à des fins politiques», s’est insurgé un député de la France Insoumise.
Même si l’on observe une tendance à la baisse des chiffres du chômage, des chiffres toutefois contestés par de nombreux commentateurs, il n’en reste pas moins que la France compte désormais 9,8 millions de pauvres, selon le dernier rapport d’Oxfam, publié en janvier, à la veille de l’ouverture du Forum de Davos. Les 41 milliardaires français, en revanche, eux, «ne se sont jamais aussi bien portés», «leur fortune ayant enregistré une hausse de 34,8% depuis la fin d’année 2018», a indiqué l’ONG, soulignant une forte montée des inégalités dans l’Hexagone, résultat du «coup d’Etat social macroniste», la formule assassine de Jean-Luc Mélenchon.
Les nuages s’amoncellent à l’horizon. Les signes d’une Bérézina et d’une fermeture de la parenthèse Macron plutôt que prévu sont là. Dans le pays d’abord, peu à peu s’est imposée l’idée que le «problème, c’est Macron», désormais hors d’état de pavoiser. Ensuite, au sein de la majorité les défections se succèdent à un rythme accéléré – une bonne soixantaine de députés ont quitté le navire –, et des voix discordantes mais franches se font entendre, occupant l’espace médiatique, le domaine réservé du patron. A cela s’ajoute le bourbier sahélien, talon d’Achille de Macron ; le dossier libyen où la France a totalement perdu l’initiative et, enfin, la probable confrontation contre la candidate du parti d’extrême-droite qui se sent pousser des ailes et des cornes, et dont Emmanuel Macron assure la campagne, du fait qu’il surfe sur les thématiques matrices du programme du Rassemblement national : islam et immigration. Marine Le Pen fourbit ses armes, persuadée comme la majorité des Français que le Président en exercice a raté son quinquennat.
Pour l’heure, Emmanuel Macron a le soutien des médias et sa parole est encore largement relayée par les faiseurs d’opinion, thuriféraires intéressés, mais versatiles et, dès que ça saigne, très portés sur l’odeur du sang.
L’histoire ne se répète pas, à en croire l’historienne Hélène Miard-Delacroix.
M. S.
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