La violence surgit quand les repères identitaires sont déstabilisés
Par L’hadi – Pour donner sens à leur identité personnelle et collective, les individus ont besoin de références convaincantes à des normes et des valeurs, des modèles, des traditions et des souvenirs. Qu’on utilise les termes de culture, d’idéologie ou d’univers symbolique, il s’agit toujours de mettre en évidence le système de repères qui permet aux individus de rendre leur monde intelligible.
Grâce à ces repères, des comportements vont acquérir une signification, positive ou négative ; ils vont pouvoir s’inscrire dans des continuités ou discontinuités déchiffrable, non seulement à l’échelle d’une vie individuelle mais aussi dans l’histoire collective. L’univers symbolique de référence est donc une «mise en ordre» de la société. Il permet d’anticiper ce qui sera perçu comme légitime ou illégitime, légal ou illégal, rationnel ou irrationnel. Par-dessus tout, il protège des doutes.
Le besoin de sécurité des individus ne se réduit pas à l’intégrité physique ni à la sphère économique. Il concerne aussi le domaine des croyances et des convictions. Tout acteur social a besoin de s’appuyer sur elles pour se donner des objectifs et poursuivre quelque dessein. Singulièrement, tout citoyen a besoin de se persuader, soit de la légitimé du système politique s’il souhaite le défendre, soit, au contraire, de la légitimité du combat mené pour le réformer ou le renverser.
L’attachement rigide à des repères voulus stables et invariants est une réponse courante à l’anxiété politique. Or, celle-ci ne manque pas de s’aggraver en cas de menaces. Aussi peut-on résumer l’importance majeure d’un univers symbolique au fait qu’on peut y rechercher des réponses à trois questions qui ne manquent jamais d’émerger à des moments décisifs.
La première concerne l’identification des groupes ultimes d’appartenance. Lorsque s’exacerbent les conflits, lorsqu’éclatent des violences, quelles solidarités doivent l’emporter : les allégeances communautaires, nationales ou de classe ? Les solidarités internationales ou l’attachement à un terroir ?
La deuxième question concerne les valeurs ultimes de référence. Les idéaux qu’on affiche – valeurs démocratiques, droits de l’Homme, etc. – ne sont pas nécessairement, tant s’en faut, ceux qui inspirent en toutes circonstances les comportements quotidiens des individus ou le fonctionnement du système politique. Mais officiellement partagés, ils contribuent puissamment à la construction d’un lien social, en masquant les clivages diviseurs ; surtout en tant que modes de légitimation à postériori, ils contribuent à la construction d’une cohérence apparente des comportements personnels ou institutionnels.
La troisième question renvoie à la nécessité de se donner une histoire et une mémoire : non seulement pour éviter d’être voué à la répétition mais, plus encore, pour édifier une identité sociale, culturelle et politique dotée d’un minimum d’épaisseur. Un univers symbolique est un prisme de lecture du passé qui sélectionne les événements significatifs, autorise des jugements de valeur sur les faits et les personnages, permettant ainsi la mise en place de références collectives unificatrices.
La violence surgit quand ces repères identitaires se trouvent déstabilisés et qu’il en résulte incertitudes et angoisses. Une telle situation se produit lorsqu’il y a choc d’univers symboliques à la fois antagonistes et irréductibles, ou encore lors de désajustements progressifs des valeurs et croyances qui les rendent inaptes à répondre au besoin de sécurité existentielle.
L.-H.
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