Réflexions jadidiennes d’avant le Hirak
Par Aziz Ghedia – A un ami qui me pressait de répondre à sa question concernant l’orientation politique de notre parti politique, Jil Jadid, j’ai répondu, sans la moindre hésitation, ceci : libérale sur le plan économique. Non pas parce que la tendance actuelle en matière de politique économique est le libéralisme, et cela sous presque tous les cieux, mais parce que, de mon point de vue, ça correspond parfaitement bien à la mentalité de l’Algérien. Et, j’ai tout de suite ajouté, pour être plus convaincant encore : «Mais nous ne négligerons pas la dimension sociale dans notre programme politique !» «En somme, vous voulez dire que votre parti sera une social-démocratie, comme les pays scandinaves ?» me dira encore mon ami et d’ajouter : «Alors, l’Algérie va âtre la Suède si, toutefois, votre parti arriverait au pouvoir ?»
Il est évident que ma réponse à cette dernière remarque de mon interlocuteur ne pouvait qu’être oui. «Pourquoi pas, lui-dis-je ? Qu’ont-ils de plus que nous les Scandinaves qui ont pu ériger des systèmes politiques presque infaillibles où chacun de leurs concitoyens se sent à l’aise et protégé par la loi ? Viendrait-il à l’esprit d’un jeune Suédois, par exemple, de braver les éléments de la nature, la mer du Nord déchaînée, de se mettre dans la peau d’un ‘’harrag’’ et de mettre le cap sur le Sud ? Non. Il n’a pas besoin de tout cela. Il ne risquera pas sa vie pour un hypothétique Eldorado. Son pays est déjà un Eldorado. Il lui offre tout : enseignement, travail, logement et loisirs. Pourtant, ni la Suède ni un autre pays scandinave ne dispose de richesses naturelles dont nous disposons, nous. Alors ? Où réside le mal qui fait que presque tous les Algériens se sentent mal dans leur peau dans leur pays ?» La réponse à cette question est éminemment politique.
Le pays est immense. Il présente de nombreux contrastes sur le plan du relief et de la géographie. En quelques heures, vous pouvez détaler les pentes raides des monts Djurdjura pour vous retrouver dans les zones semi-désertiques de Boussaâda, par exemple et, à chaque détour de la route, les paysages sont d’une beauté saisissante qui vous donnent le tournis. Le climat y est bon et le soleil généreux tout au long de l’année. Ce n’est donc certainement pas le pays en lui-même qui pousse les gens à l’émigration clandestine. Alors, pourquoi la seule chose qui intéresse les jeunes Algériens, quel que soit leur niveau d’instruction et quelles que soient leurs conditions socioéconomiques, est de partir loin de ce pays ? Un aller souvent au péril de leur vie. Beaucoup d’entre eux n’atteindront pas l’Eldorado de leurs rêves.
Pourtant ceci ne dissuade pas les autres de tenter, eux aussi, l’aventure. Aventure qui se termine souvent mal, tragique même pour certaines familles qui ne pourront même pas faire le deuil de la disparition de leurs enfants à la fleur de l’âge : pas de corps, pas de sépulture ! Ou alors, lorsque la mer daigne rejeter les corps, ils sont tellement abîmés, en décomposition avancée, qu’il est difficile même à la police scientifique de les reconnaître. Pourquoi je parle de tout cela, je veux dire de ce phénomène de l’émigration clandestine qui est devenu en quelques années presque un fléau social ? Tout simplement parce que c’est une réalité. Cette réalité est amère, certes, mais ne faisons pas comme l’autruche. Ayons le courage de l’aborder et d’en parler !
A. G.
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