Un expert : «Il faut revoir toute la législation inhérente à l’acte d’investir»
Par Mohamed Sayoud – La réalité est là. La décision prônée par le gouvernement afin d’assainir l’économie est une décision prise sur le long terme et n’arrange nullement notre situation économique actuelle. Aujourd’hui, la création d’une instance nationale chargée du foncier industriel pour traiter les dysfonctionnements est une idée obsolète qui impose un obstacle additionnel pour l’investisseur. Il faut démocratiser l’acte d’investir au lieu de le congestionner, le libérer au lieu de le mettre à la merci des pratiques bureaucratiques nauséabondes. De ce fait, l’intervention du gouvernement actuel est plus qu’impérative pour débloquer cette situation. Pour ce faire, la nécessité dicte de revoir toute la législation inhérente à l’acte d’investir. L’ex-CALPIREF oblige l’investisseur à établir une étude technico-économique, puis la déposer auprès de celui qui tranche après des délais indéfinis pour décider de lui attribuer ou non un terrain. L’investisseur ne convoite pas l’Etat, c’est l’Etat qui doit convoiter et encourager l’investisseur par des facilitations.
L’investisseur veut une décision sur le très court terme. C’est-à-dire que la problématique du foncier industriel constitue le nerf de guerre pour tout investissement en Algérie. Ce qui dissuade les opérateurs économiques de produire, c’est la lenteur administrative et toutes les procédures et étapes à franchir jusqu’au début de la production qui peut prendre 5 à 10 ans. Chose qui rend, économiquement parlant, le projet obsolète, non rentable et loin d’être concurrentiel.
Il faut des solutions rapides pour créer des emplois, de la richesse et réduire ainsi l’importation comme cela se fait dans les pays développés.
L’aménagement de locaux pour les start-ups est une bonne initiative mais ne garantit la réussite à long terme que pour environ 10℅ d’entre elles. Ce n’est donc qu’une solution minime qui ne va pas générer assez d’emplois ni de plus-value rapidement.
Beaucoup de projets n’ont pas pu se concrétiser à cause de l’ancienne politique dévastatrice qui n’a jamais donné d’importance au temps. Un projet après 3 ans n’est plus rentable. Il y a nécessité d’offrir des facilités aux investisseurs. L’amortissement d’un hangar de 1000 m2 qui coûte environ 10 000 000 DA peut être réalisé dans un délai maximum de 4 ans en prenant en considération un loyer mensuel très abordable de 300 000 DA/HT par mois. Dans cette optique, les promoteurs immobiliers algériens et étrangers peuvent avoir accès à des terrains de l’Etat soit au dinar symbolique ou à un prix attractif afin de construire des zones industrielles de 30 à 100 hangars prêts pour la location, de différentes surfaces pour la location aux investisseurs selon un cahier des charges.
Par ailleurs, les étrangers ne bénéficient pas encore de la décision d’abolition de la règle 51/49 qui n’est toujours pas applicable, ce qui va retarder la création de nouveaux emplois, d’une richesse et d’une plus-value pour notre pays. A ce jour, un étranger seul ne peut pas encore avoir un statut pour la création d’une société ni avoir un registre de commerce auprès du CNRC, ce qui induit la perte considérable de temps pour la création des emplois et de la richesse pour les Algériens.
Il y a un large fossé entre les décisions de l’Etat et leur application. Aujourd’hui, l’ex-CALPIREF ne prend pas les dossiers d’investissement actuels pour l’attribution de terrain.
L’Algérie doit faciliter et encourager rapidement la création d’un à deux millions de PME/PMI afin de sortir au plus vite de cette morosité économique.
Pour construire ces zones industrielles, la coopération avec les Chinois serait hautement bénéfique. Ces derniers peuvent construire une zone de 100 hangars de 1000 m2 chacun dans un délai ne dépassant pas les 6 mois puis les louer aux investisseurs à des prix raisonnables. Il ne reste à ces derniers qu’à installer les machines et commencer la production. Les communes s’occuperont de la viabilisation de ces zones.
La récupération et la réhabilitation des assiettes foncières non exploitées est une solution à établir en parallèle avec la création de nouvelles zones industrielles clé-en-main avec hangars destinés à la location. Par ailleurs, les start-ups et les micro-entreprises ciblées par les propositions d’amélioration et de location de mini zones industrielles n’est pas la solution efficace et rapide pour relancer et booster l’économie et l’investissement en Algérie. Confier la gestion des zones industrielles aux start-up est un enjeu beaucoup trop risqué pour l’économie algérienne. Les pays développés, et même l’Ethiopie et le Rwanda, ont évolué grâce à la création de zones industrielles clé-en-main sur le court terme et non pas en recourant à des mini entreprises qui se développent sur le long terme.
M. S.
Consultant International en investissement industriel, fondateur du cabinet de conseils et d’études en investissement Invest Design Consulting
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