Fausse paix
Par Mrizek Sahraoui – Salué et qualifié d’une commune voix d’historique par la presse internationale, car perçu comme un succès diplomatique à l’actif de l’administration Trump, l’accord, signé en grande pompe entre les Américains et les Talibans, le 29 février dernier à Doha, au Qatar, devant un parterre aux allures d’un grand sommet de chefs d’Etat, s’est révélé n’être que de simples déclarations [écrites] d’intention visant à ramener la paix en Afghanistan.
Cet «Accord en vue d’apporter la paix en Afghanistan», le titre du document paraphé par Zalmay Khalilzad, le négociateur américain, et le chef politique des Talibans, Abdul Ghani Baradar, en présence de Mike Pompeo, chef de la diplomatie américaine, n’a pas du tout empêché la poursuite des actes terroristes.
La semaine – de «réduction des violences» – qui a précédé la rencontre de Doha ne s’est pas prolongée bien au-delà de trois jours après la conclusion de l’accord, un accord servant finalement de prétexte à l’armée américaine pour quitter l’Afghanistan, ont regretté de nombreux observateurs. Les Talibans, qui ne se sont pas senti tenus par un quelconque engagement, ont refait parler les armes, en lançant, lundi dernier, une bombe lors d’un match de football, faisant trois morts et onze blessés, à l’est du pays.
Non seulement les armes ne se sont pas tues depuis la signature de l’accord, pis encore, la violence a repris de plus belle, mettant à mal ce processus de mise en place d’une [fausse] paix durable initiée par les Américains, et dans l’intérêt des seuls Américains, dans un pays meurtri par une guerre multiforme sans fin. Kaboul a de nouveau été le théâtre d’une attaque sanglante, perpétrée, vendredi 6 mars, par deux assaillants ayant ouvert le feu sur des participants à une cérémonie de commémoration. Revendiqué par Daech, l’attentat s’est soldé par «32 morts, dont 5 femmes, et 58 blessés», selon le porte-parole du ministère de la Santé.
Ce nouveau regain de violence pourrait sérieusement hypothéquer les chances de succès de la rencontre interafghane, prévue le 10 mars, à Oslo. Qui plus est, celle-ci présente le risque d’achopper sur une difficulté majeure, à savoir le refus par le président afghan du point de l’accord prévoyant la libération de 5 000 prisonniers talibans en échange de 1 000 membres des forces afghanes aux mains des fondamentalistes.
Au-delà de la situation en Afghanistan, c’est toute la politique américaine dans la région qui se voit pointée du doigt. Donald Trump, qui a voulu dès le lendemain de son investiture se désengager du conflit avant de se rétracter sur les conseils de Jim Mattis, le secrétaire à la Défense d’alors, qui, lui, avait préféré donner «une chance à la guerre», aurait entériné la décision, selon les médias outre-Atlantique, du retrait tantôt des forces américaines du sol afghan.
L’on ne peut suspecter Donald Trump, dont les yeux sont rivés sur les primaires démocrates, de naviguer à vue sur des dossiers aussi lourds que la guerre en Afghanistan, au moment où tous les courants politiques, comprenant également les femmes afghanes et les minorités, s’apprêtent à mettre en place un véritable dialogue politique inclusif qui promeut la culture de la paix.
M. S.
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