Menace du coronavirus : la suspension du Hirak ne peut infléchir sa trajectoire
Par Youcef Benzatat – Le Hirak est dans les têtes et non dans les pieds des marcheurs. Il a pris forme dans les consciences, que plus jamais le peuple ne sera asservi par un système militaro-politico-financier, liberticide, corrompu et antinational. Cette prise de conscience est irréversible et ne peut être stoppée par une quelconque contingence, qu’elle soit humaine (répression policière et judiciaire), naturelle (pluie, froid, canicule ou autres) ou même pandémique comme c’est le cas avec le coronavirus.
Contrairement aux contingences humaines et naturelles, qui n’ont eu à ce jour aucun impact significatif sur le Hirak pour l’amener à s’arrêter, la nécessité de cesser les manifestations hebdomadaires, du fait du danger que fait peser la pandémie du coronavirus sur la vie des manifestants et sur celle de la nation entière, s’impose. Sans pour autant que cette cessation ne signifie une quelconque inflexion du Hirak.
Car la volonté née de cette prise de conscience de l’impérative libération de la servitude est irréductible à une quelconque temporalité contraignante. Cette volonté, qui a brisé autant d’obstacles pour son avènement, tels que le mur de la peur de la barbarie répressive, de la peur de l’autre qui a permis l’unité du peuple au-delà de ses divergences idéologiques, religieuses et ethniques, est d’essence existentielle et transcende toute considération factuelle. Elle est l’énergie qui donne naissance aux nations en leur servant de liant pour leur fondation. Elle constitue la matière indestructible pour la pérennité de leur existence.
L’Algérie nouvelle a déjà pris place dans notre imagination et plus rien ne sera comme avant, ni dans nos désirs ni dans nos rapports à l’Etat et aux institutions. La suspension contraignante des manifestations hebdomadaires ne peut être considérée comme un arrêt de cette volonté d’émancipation et de refondation de la nation, mais un simple changement de stratégie conjoncturel pour plus d’efficacité et de raison.
La trajectoire du processus d’enfantement de cette nouvelle Algérie, de cette nouvelle République et cette nouvelle nation est tellement encrée dans la conscience collective que plus rien ne pourra la dévier. Elle reprendra le chemin vers son horizon spontanément comme l’a été son déclenchement. Elle est comme le cheminement de l’excédent du ruissellement des eaux pluviales pour rejoindre les mers et les océans.
En définitive, cette suspension va ouvrir de nouveaux horizons à l’imagination dans la conscience collective et laisser place au génie populaire de rivaliser en inventions de nouvelles formes de lutte pour l’adaptation à la conjoncture présente.
Cette suspension forcée de la trajectoire d’enfantement du socle du vivre-ensemble dans la plénitude d’une nation ne sera ni la première ni la dernière, c’est le propre de tout peuple engagé par sa volonté de prendre son destin en main et de demeurer en toute circonstance souverain.
Y. B.
Comment (44)