Pourquoi le président américain Donald Trump ne sera pas réélu
Par Ali Akika – Il y a quatre ans, les «experts» n’avaient pas misé un kopeck sur l’«inconnu» d’alors nommé Donald Trump comme futur président des Etats-Unis. L’arrogance intellectuelle de ces «spécialistes» et leur formatage idéologique dans les écoles de sciences politiques en sont pour quelque chose dans la faillite de leur pronostic. Ces mêmes spécialistes avec les mêmes armes de l’insuffisance dissertent aujourd’hui sur le coronavirus, en critiquant poliment la mondialisation pour la réduire à une question technique alors qu’elle est la fille aînée du capitalisme financier. Tant que la délocalisation des usines envoyait au chômage les classes populaires et faisait bondir les profits des patrons, nos spécialistes applaudissaient avec ferveur.
Aujourd’hui que ce maudit virus bloque ou dérègle la fabrique mondialisée, on entend leurs cris d’orfraie. Mais revenons à notre Trump ! Vais-je tomber dans le piège de la subjectivité pour pronostiquer l’échec de Trump à sa réélection ? C’est fort possible, car mon secret désir est qu’il parte avec son deal du siècle sur la Palestine. Enumérons cependant les facteurs politiques qui se télescopent dans l’actualité et essayons de voir leurs liens avec l’éventuelle Bérézina de Trump à la prochaine élection américaine.
La pandémie du coronavirus
Donald Trump en tant que Président dont la parole est censée reposer sur des informations sûres de ses conseillers, eux-mêmes briefés par des savants de la médecine, a commenté ce virus «étranger» comme s’il était un client s’adonnant aux brèves de comptoir de café de commerce. Mais comme ce virus n’obéit pas à son mur mexicain érigé contre les Latino-Américains, il a retourné sa veste et prend une incroyable décision, la fermeture de ses frontières à l’Europe.
On peut deviner les conséquences économiques, sociales et politiques d’une telle mesure. Sur le plan sanitaire, la médecine américaine de grande qualité scientifique dans un système sanitaire privé et onéreux coexiste avec les hôpitaux publics quelque peu sous-équipés. Hôpitaux qui ne répondent pas aux besoins de tout le monde et, surtout pas, aux 40 millions qui vivent au-dessous du seuil de pauvreté (1).
En cas de pandémie qui ravagerait le pays, les catégories de populations victimes ou menacées par un tel désastre sont autant de voix électorales qui s’exprimeront contre Trump lors des prochaines élections. Les effets sur le plan économique (baisse de la Bourse, ralentissement de la production des richesses (chômage et fermeture d’usines) se traduiront aussi sur le plan politique. Les couches sociales des classes moyennes qui ont fait accéder à la Maison-Blanche Trump vont être à nouveau des déclassés par ces bouleversements engendrés par ce «maudit» virus et le feront savoir avec leurs bulletins de vote.
Gaz de schiste, Russie, Arabie Saoudite et chute du baril de pétrole
Derrière le conflit pétrolier russo-saoudien se profile l’ombre des Etats-Unis. Avec le coronavirus, la Chine, premier importateur glouton de pétrole, s’est «repliée» sur elle-même en attendant de régler ses comptes à ce virus. Ce gros client auquel il faut ajouter les effets de la guerre commerciale tous azimuts de Trump ont perturbé le commerce international, provoquant une baisse de la demande de pétrole. Qui dit baisse de la demande dans ce genre de produit entraîne la chute du prix du baril de pétrole. Une chute des prix qui, ô paradoxe, perturbe l’Arabie qui fait habituellement la pluie et le beau temps sur ce marché. Ceux qui suivent l’actualité du monde connaissent les raisons des angoisses de ce pays. L’Arabie s’est lancée avec son jeune et «moderne» héritier du royaume dans une entreprise d’investissements colossaux pour parer aux conséquences de la fin du pétrole.
A cela s’ajoute le gouffre en milliards de dollars de la guerre aussi criminelle que désastreuse contre le Yémen, petit pays pauvre mais grand peuple qui a été néanmoins capable de frapper Aramco (société de pétrole saoudite). Il reste un troisième facteur qui fit courir l’envoyé Ben Selman en Arabie en Russie. Il demanda à ce pays de baisser la production de pétrole pour faire remonter le prix du baril. Poutine refusa net car il devina la vraie raison de la demande de son «invité». Son niet tout à fait russe allait lui offrir l’occasion de rendre la monnaie au protecteur de l’Arabie, à savoir l’Oncle Sam américain. Car ce dernier, devenu premier producteur de pétrole (2) dans le monde, engrangeait à la pelle des dollars avec un prix du baril élevé. Mais avec la baisse du baril depuis un certain temps, l’industrie pétrolière américaine perdait de l’argent et voyait venir la fermeture des puits.
L’image de Détroit (2), capitale de l’automobile devenue du jour au lendemain une ville fantôme, a dû angoisser les magnats du pétrole qui s’en allèrent se plaindre à leur ami Trump. Ce dernier «téléphona» à son obligé Ben Selman pour exiger qu’il actionne son poids en baril dans l’Opep. Mais Poutine n’étant pas un petit émir du Golfe et ayant des comptes à régler avec l’Amérique, la démarche de Ben Selman fut un flop. Et c’est ainsi que Trump voit, avec le flop de son obligé, l’horizon s’assombrir et ses déboires grandir en plus de l’inattendu trouble-fête du coronavirus.
La guerre cybernétique
Que vient faire la guerre cybernétique qui se déroule au Moyen-Orient dans les déboires de la non-réélection éventuelle de Trump ? Encore une fois, ceux qui suivent ces guerres connaissent le piège dans lequel s’est enfermé Trump. Ce Président a promis de faire revenir les boys à la maison (3). Louable promesse à ses électeurs, sauf qu’il veut le faire sans perdre la face et en protégeant ses chers amis dans la région parmi lesquels se trouve au premier rang l’Arabie Saoudite. Jusqu’ici, l’Amérique tenait en respect les récalcitrants avec ses bases militaires d’où partaient des bombardiers qui rasaient tout sur leurs passages.
Mais aujourd’hui, un autre acteur s’est installé dans la région. Cet acteur (la Russie) fournit à ses alliés non seulement une défense anti-aérienne fort chère mais efficace qu’il a renforcé avec un système encore plus intelligent et peu coûteux en termes de victimes humaines, système qui brouille les données numériques des avions ennemis. Ce double système a peu à peu interdit le ciel syrien aux Israéliens, et Erdogan en a fait les frais à Idlib à tel point qu’il a été mendier l’aide de l’OTAN, en se déplaçant dernièrement à Bruxelles.
En résumé, l’élection de Trump sera conditionnée par ces trois facteurs. Celui qui sera décisif est le Covid-19 (virus) qui touche directement la santé de la population et va influer sur le mode de vie du pays. Hélas, les deux autres facteurs, crise économique et guerre, le système américain arrive depuis belle lurette à faire avaler la pilule au nom du patriotisme. Un patriotisme aidé, il vrai, par la capacité du système à s’adapter grâce à l’immensité du pays et ses richesses de toutes natures qui ont fait des Etats-Unis la première puissance économique et militaire du monde. Pourvu que mon secret désir se concrétise pour voir Trump sortir par la petite porte. Mais ne crions pas victoire car l’élection est dans six mois et, d’ici là, beaucoup d’eau coulera dans les fleuves en fureur dans notre monde.
A. A.
(1) Le système de santé est un sujet politique et électoral dans ce pays où n’existe pas le système de sécurité sociale. Le système américain repose sur le privé. Barak Obama s’est fait élire sur sa promesse de réformer le système de santé, en élargissant son périmètre de protection. Aussitôt élu, Trump effaça par un simple décret les acquis de la réforme d’Obama.
(2) La ville de Detroit, à la suite de la faillite du premier producteur d’automobiles, avait disparu du paysage urbain. L’industrie du pétrole de schiste risque de connaître le même destin. Trump ouvrit les vannes du gaz de schiste qui rendit, certes, les Etats-Unis indépendants sur le plan pétrolier mais ravagea au sens propre du terme de magnifiques paysages. Les Amérindiens, les autochtones du pays, faut-il le rappeler, sont ulcérés de voir leur terre mutilée et, avec elle, leur âme et leur imaginaire blessés par tant de cupidités. Leçon à méditer chez nous.
(3) La semaine dernière, Trump a rempli sa promesse en signant un accord avec les Talibans. Les soldats américains ont du reste commencé à quitter l’Afghanistan. Défaite politique et militaire qui fera ses effets une fois le dernier Américain parti.
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