L’Italie en proie à des grèves pour exiger la fermeture des entreprises durant la pandémie
Par Mesloub Khider – En cette période de pandémie de coronavirus marquée par les mesures de confinement, des grèves sauvages éclatent dans plusieurs villes d’Italie pour exiger l’arrêt des activités professionnelles non essentielles au fonctionnement de l’économie affectée à la lutte contre le coronavirus. En effet, contre l’insouciance scélérate des patrons intéressés uniquement par la poursuite de l’activité lucrative de leurs usines, au mépris des règles de sécurité sanitaire, des milliers d’ouvriers italiens se sont mis en grève pour dénoncer l’irresponsabilité criminelle des dirigeants de concentrer des salariés dans des unités de production propices à la propagation du coronavirus.
Selon les informations, les vagues de grève en Italie ont débuté dans l’usine de Fiat-Chrysler de Pomigliano à Naples, employant 6 000 travailleurs. Ces ouvriers, contraints de poursuivre la production d’automobiles de luxe Alfa-Romeo destinées aux millionnaires, ont débrayé pour protester contre les conditions de travail périlleuses, estimant que les mesures de sécurité sanitaire ne sont pas respectées dans leur usine. Les travailleurs dénoncent l’absence du respect des règles d’hygiène, de distance de sécurité et de distribution de matériel de protection, mettant en péril leur santé. Ils déplorent la pénurie des masques et des gants mono-usage. Outre Fiat-Chrysler, plusieurs autres secteurs sont actuellement en proie à des débrayages. L’industrie sidérurgique italienne est également touchée par des grèves. La majorité des entreprises métallurgiques sont fermées jusqu’au 22 mars 2020.
Dans cette situation de crise sanitaire, pour faire accroître qu’il lutte contre la propagation du coronavirus, le gouvernement Conte a décrété, dans le cadre des mesures de confinement, la fermeture de tous les restaurants, musées, magasins non essentiels, l’interdiction de rassemblements publics, de circulation et de voyage mais, paradoxalement, aucune restriction n’a été imposée aux activités des grandes entreprises, qui persistent à ordonner aux ouvriers de se rassembler sur les chaînes de montage en vue de poursuivre la production, en dépit des risques de contamination au coronavirus et de transmissibilité à leurs familles (il en est ainsi de la France où le gouvernement Macron a décrété les mêmes sélectives mesures restrictives : le confinement ne s’applique pas aux travailleurs contraints d’aller se rassembler dans «leur» entreprise, de devoir emprunter les transports publics, foyers de contagiosité notoires). Aussi le patronat italien est-il radicalement opposé à tout arrêt total de l’outil de production, pourtant seule solution sanitaire efficace susceptible d’endiguer la propagation du virus, pour ne pas perdre des parts de marché à ses entreprises engagées dans une guerre économique contre les concurrents étrangers.
La vague de grèves ne cesse de se propager à travers l’Italie, affectant toutes les grandes industries. «Les travailleurs font grève contre le coronavirus, ou plutôt contre le gouvernement qui maintient les usines ouvertes malgré le coronavirus», a écrit le Corriere della Sera. Les organisations syndicales, jusqu’à présent complaisamment silencieuses, acculées par la base, se sont timidement résolues à réclamer au président de la République d’assurer la sécurité sanitaire des travailleurs par l’imposition de «la fermeture totale des usines ne produisant pas des biens de première nécessité». «La santé des travailleurs est plus importante que les profits des patrons. Le manque de matériel sanitaire les expose à la contagion du coronavirus», a déclaré le secrétaire général de la CGIL (la CGT italienne).
Aujourd’hui, ces vagues de grèves sont totalement occultées par les médias mainstream. Et pour cause. Les classes possédantes craignent l’effet de contagion, autrement dit l’explosion de colère dans les autres pays en butte aux mêmes aberrations de restrictions de rassemblement et de circulation imposées à l’ensemble de la population mais absolument pas aux travailleurs astreints à devoir se déplacer sur leur lieu d’exploitation en vue de se rassembler collectivement aux fins de poursuivre leur activité professionnelle, exigée par leurs patrons et l’Etat. Preuve de la frayeur des classes dirigeantes : devant le durcissement des mouvements de grève, le gouvernement italien Conte, affolé, s’est engagé à fournir «des matériels de protection individuelle, y compris des masques, gratuits à tous les travailleurs» afin de les convaincre de reprendre le travail. En guise de remerciements, il n’a pas manqué, cyniquement, de saluer tout travailleur demeuré à son poste – mettant ainsi en péril sa vie, celle de sa famille et de ses proches – pour avoir accompli «un acte de grande responsabilité envers l’ensemble de la communauté nationale», autrement dit la communauté du capital.
De toute évidence, la pandémie de coronavirus prouve que la classe dirigeante capitaliste n’est pas apte à gouverner. Elle est devenue une menace pour l’humanité. Par sa cupidité, son impéritie, son cynisme, elle est plus dangereuse que le coronavirus. Certes nous devons combattre le coronavirus mais nous devons, par-dessus tout, abattre le capitalisme, son frère jumeau létal, plutôt son géniteur criminel, pour organiser la production, le travail, les ressources de l’humanité et de la nature sur la base des besoins humains et non sur la base des lois du profit d’une minorité exploiteuse.
M. K.
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