L’Algérie malmenée
Par Abdelkader S. – L’Algérie est prise entre le marteau d’un pouvoir détenu par des dirigeants stagiaires et d’un Hirak capté par des apprentis révolutionnaires. Elle est en proie au règne de la non-sachance érigée en science en ces temps de grave crise sanitaire. Bref, l’Algérie est en danger.
Les pérégrinations diurnes et nocturnes du ministre du Commerce, recruté par Tebboune sur un plateau de télévision, dévoilent l’ineptie de ce fonctionnaire qui a réduit la mission de tout un département au rôle de mercuriale. Néophyte découvrant la jouissance du pouvoir de vociférer en étant momentanément épargné par la muselière, Kamel Rezig se plait à se pavaner entre les rayons des grandes surfaces et des marchés de gros, flanqué des outils de propagande rameutés pour la circonstance et à dire les contes des Mille et une nuits à des citoyens habitués aux bobards de ses prédécesseurs et connaissant mieux que lui les rouages du marché pour pouvoir le croire.
Ce ministre surmédiatisé à dessein est la preuve matérielle de l’inconséquence et de l’inconsistance du régime qui vend aux Algériens la chimère de la maîtrise de tout et qui, au fond, ne maîtrise rien pour au moins deux raisons : le déficit de légitimité qui fait que toutes ses décisions et ses mesures sont systématiquement enfreintes et l’incompétence criante des personnes choisies pour diriger des départements et des secteurs complexes, qui plus est, dans ces moments de crise multidimensionnelle.
En face, le Hirak est en train de glisser doucement mais sûrement vers une récupération rampante après plus d’une année de combat infructueux qui a porté un ancien ministre de Bouteflika au pouvoir et renforcé l’emprise des services secrets, durablement installés par Gaïd-Salah sur l’appareil judiciaire, sur les forces de sécurité et sur les médias.
Ce mouvement de contestation populaire, qui avait déclenché une guerre au sommet dont la conséquence fut le sacrifice d’une partie du clan pour sauver l’ensemble du système, a fini par s’abandonner aux mêmes cercles qui, depuis des années, pavaient la voie à l’islam politique pour prendre sa revanche après l’arrêt salvateur du processus électoral de 1991, qui allait offrir l’Algérie à un François Mitterrand asphyxié par l’indépendance qui lui était restée en travers de la gorge. Un islam politique nouveau, débarrassé de sa carapace rigide et présenté sous une forme plus moelleuse pour mieux en faciliter l’absorption.
Entre les deux, une élite observe, impuissante, cette descente aux enfers, paralysée par autant de misère intellectuelle et d’indigence morale.
A. S.
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