La justice, parlons-en !
Par Abdelkader S. – «Face à de graves allégations portées contre l’institution judiciaire, j’invite le ministre de la Justice à monter au créneau pour porter secours à cette institution trop souvent diffamée, outragée et parfois même martyrisée par ceux qui veulent la justice mais ne respectent pas le droit. Il est temps de remettre les pendules à l’heure avec les armes républicaines». Dixit notre ami L’hadi.
Prise dans l’abstrait, cette sentence peut être perçue comme une logique implacable. Mais, adaptée à la réalité algérienne présente, elle paraît tellement bancale, voire malséante, diront les plus blasés. Il n’est pas question ici de défendre spécialement Karim Tabbou dont les penchants et l’obédience sont loin de refléter l’Algérie à laquelle nous aspirons ; celle de la démocratie vraie, réellement affranchie de l’intégrisme islamiste que ce thuriféraire nostalgique de l’abomination de Sant’Egidio s’échine à réhabiliter.
Rien ne nous associe à Karim Tabbou dont nous dénonçons pourtant l’emprisonnement arbitraire et l’injustice dont il est victime. Le drame dans cette tragi-comédie qui se joue sous nos yeux depuis que Gaïd-Salah et sa clique ont volé le pouvoir au peuple après que ce dernier eut réussi à faire détrôner le président-roi Bouteflika, c’est cette malencontreuse tendance préméditée à ne pas séparer le grain de l’ivraie, à ne pas faire preuve de discernement, à vouloir vaille que vaille assimiler la crise actuelle à la décennie noire et à persévérer aveuglément ou par calcul malsain sur la voie tracée par les zélotes du «qui tue qui» en se fourvoyant dans une comparaison qui n’a guère lieu d’être. Si l’ANP est et sera toujours l’armée du peuple, l’état-major d’aujourd’hui n’est pas celui d’hier.
Ce que dénonce Algeriepatriotique, c’est la presbytie d’une grande partie de nos concitoyens qui, inopportunément, appréhende cette justice sans porter les lunettes nécessaires à un regard lucide. On ne peut pas dénoncer les juges parce qu’ils prononcent des verdicts sur injonction et violent la Constitution en exécutant une feuille de route politique extrajudiciaire et, dans le même temps, applaudir cette même justice lorsqu’elle s’acharne sur des pions et des fusibles jetés à la vindicte publique et montrés comme les «chefs de la bande», alors qu’ils ne sont que les effigies proéminentes d’un système à la perpétuation duquel tout le monde a contribué, qui par son consentement, qui par son silence, qui par son je-m’en-foutisme.
En effet, «il est temps de remettre les pendules à l’heure», non pas en exhortant un membre du gouvernement à «monter au créneau», mais en invitant les magistrats à restituer au peuple sa justice forte de ses attributions prescrites dans la Loi fondamentale et à juger par la balance et non plus par le téléphone. Car, si tel était le cas, ni Karim Tabbou ni aucun autre opposant n’aurait goûté aux affres de la privation de liberté pour avoir seulement dit non sans menacer de «prendre la Kalachnikov» ni promettre le feu éternel à ceux qui ne voteraient pas pour le «parti de Dieu».
Nous prendrons fait et cause pour Karim Tabbou de toutes nos forces jusqu’à ce que la justice outragée triomphe enfin de l’exaction, de la persécution et de la scélératesse.
A. S.
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