L’arme de la peur ou quand le pouvoir remplace la répression par la psychose
Par Mesloub Khider – A la témérité fièrement exhibée ces derniers mois par de nombreux peuples en révolte contre leurs dirigeants respectifs a succédé la pusillanimité effarouchée vécue dans le confinement solitaire apeuré. Ainsi, il aura suffi de l’irruption d’un germe énigmatique incontrôlable pour briser l’ardeur pugnace des activistes fugaces, pour susciter un climat apocalyptique entretenu complaisamment par les puissants, impatients de prendre leur revanche par la terreur exercée contre le peuple rebelle, cet «animal féroce» qui a osé perturber la tranquillité de leur règne prédateur.
Les classes régnantes ont toujours gouverné par la peur. Par suite du réveil de la conscience politique et de l’amorce de la combativité militante manifestés par les peuples en lutte, ces derniers mois, dans de nombreux pays, notamment en Algérie, la peur régnait plutôt dans les palais présidentiels. La peur avait changé de camp ; elle s’est hissée dans les cercles dirigeants descendus de leur piédestal présidentiel vermoulu.
Aujourd’hui, pour circonscrire l’esprit de révolte massivement déployé dans une atmosphère sociale marquée par des soulèvements populaires inédits emblématiques, les classes régnantes se sont emparées du coronavirus pour terrifier les populations par l’intoxication mentale alarmante, efficace arme politiquement désarmante.
La terreur virale est furieusement plus opérante que la manipulation par le terrorisme, devenue inoffensive à force d’exploitation manipulatoire outrancière. Les peuples sont depuis longtemps immunisés contre les terrorismes étatiques, souvent actionnés par des officines œuvrant au service de puissants intérêts.
En revanche, les peuples semblent aujourd’hui, de façon morbide, démunis devant cette éruptive corruption mentale virale, sur fond de psychose médiatiquement alimentée, propagée par les gouvernants, abondamment distillée à la faveur de la crise sanitaire du coronavirus. Les différents gouvernements, despotiques ou soi-disant démocratiques, de la majorité des pays tirent profit de la propagation du Covid-19 pour tenter de se refaire une virginité politique, déflorée par les peuples massivement révoltés ces derniers mois contre ces potiches protégées par leurs sbires casqués.
Depuis peu, les gouvernants algériens moribonds s’emparent de la crise sanitaire du coronavirus pour se refaire une deuxième jeunesse gouvernementale sur notre retraite anticipée politique, imposée par le confinement discrétionnairement décrété par l’Etat. Après avoir, durant plusieurs mois, rasé honteusement les murs de l’espace politique, à deux pieds de rejoindre l’outre-tombe gouvernementale sous l’assaut du peuple algérien galvanisé, l’oligarchie disqualifiée, sur le point d’être destituée, tirant parti de l’état de sidération suscité par la propagation du Covid-19, ressuscite de sa débandade étatique pour nous persuader de son impérieuse utilité gouvernementale, en particulier dans cette période troublée et agitée marquée par la gestion de la lutte contre le coronavirus.
Le peuple a peur, nous persuade-t-elle. Nous sommes là pour vous protéger, répète-t-elle. Mais à condition de ravaler votre esprit de rébellion sans discuter, d’avaler notre pouvoir despotique sans parlementer, d’ensevelir vos revendications politiques sans protester, sans oublier de vous enterrer dans le huis-clos de votre tombale maison sans râler, décrète-t-elle. L’heure est au confinement de la lutte, des revendications, de la vie. L’Etat des puissants se chargera de votre protection, par votre emprisonnement à domicile.
Ainsi, l’espace public totalitaire occupé par les forces de l’ordre reprend ses droits, après avoir été une agora de liberté habitée par le brave peuple algérien en lutte. Désormais, le droit de déplacement est proscrit. Interdiction de circuler, de se réunir, de manifester, de rendre visite à ses proches, à sa famille. Sous peine d’amende. D’incarcération. Au reste, le régime algérien renoue avec ses vieux démons répressifs avec une assurance arrogante digne de l’époque de Boumediene. Le pouvoir algérien, au lieu d’approvisionner les hôpitaux en équipements médicaux, préfère ravitailler ses prisons d’opposants politiques et de journalistes, embastillés en pleine pandémie.
Sans conteste, à la faveur du coronavirus, la peur protège les classes dominantes. Le peuple algérien, terrifié par un invisible microscopique virus naturel moins létal que le régime pestilentiel casqué, qu’il a bravement affronté depuis plus d’un an, est tenu aujourd’hui en respect. A l’évidence, le confinement du peuple est l’ultime arme inespérée pour protéger les classes dirigeantes de la propagation des soulèvements devenus menaçants.
Comme l’a écrit au siècle dernier le critique américain Henry Louis Mencken, «le but de la politique est de garder la population inquiète et donc en demande d’être en mise en sécurité». Aussi la politique de la peur s’attache-t-elle à susciter un climat de psychose au sein de la population pour justifier l’adoption de lois sécuritaires. Les discours alarmistes et anxiogènes participent de la politique sécuritaire, illustrée notamment par la désignation d’ennemis intérieurs à combattre –aujourd’hui incarnés par le salutaire coronavirus. L’instrumentalisation de la peur réelle ou irrationnelle par les gouvernants à des fins de conditionnement idéologique est une arme appliquée depuis l’existence des sociétés de classe. Mais la manipulation de la peur à des fins de confinement politique et de relégation de la protestation sociale, sous couvert de gestion sanitaire, est la dernière invention étatique bourgeoise.
Aujourd’hui, tous les pouvoirs dominants de nombreux pays se frottent les mains d’avoir attrapé le coronavirus comme prétexte pour sauver leur régime, même au prix, à l’instar de l’Algérie, de la mort politique du peuple écrasé, non par une répression sanglante, mais par une peur irrationnelle paralysante. Le pouvoir algérien semble se réjouir de l’avènement du Covid-19. Il le vit comme un événement salvateur. Mais pas pour longtemps. Certes, la peur s’est irrationnellement emparée du peuple algérien, sous l’effet d’une intoxication médiatique. Mais la raison raisonnante raisonnable de la protestation occupera bientôt les esprits et mobilisera les corps massifs des mouvements sociaux dans une ultime lutte émancipatrice contre le virus gouvernemental «FLNesque» implanté dans le corps national algérien depuis 1962.
M. K.
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