Semoule empoisonnée
Par Youcef Benzatat – Par suite de leur retraite fortuite, les hommes sont terrassés dans leurs gîtes. Plus de mercenaires cupides portant dans leurs valises les scellés des convoitises. Gelées les consignes de commun accord admises et le transfert frauduleux de richesses en devises. Les avions plombés dans les hangars et les banques veillant sur les fonds de tiroirs.
Plus de conciliabules belliqueux pour tracer les frontières des indus sur terre et tasser des cadavres utiles pour dessiner les alliances à venir. Les états-majors, acculés à veiller sur leurs réduits, délaissent les autres fronts, en attendant, et se retournent désormais contre leurs ennemis intimes, qui menacent de tout piller et ravager dans leur détresse les certitudes de civilités orgueilleuses. Le Covid les menaçant tous, chacun pour soi et Dieu pour tous.
Plus de harragas pour venir dégrader les métropoles paisibles et les trottoirs salubres. Plus de cadavres rejetés par les mers qui font déchirer les cœurs à tant de mères. Le Covid a fait le vide, muré les traitres accès et cloué les embarcations assassines.
Par suite de leur retraite fortuite, les hommes laissent place à la vie reprendre ses droits et respirer. Les polluants intempestifs de leurs machines ont cessé de blesser les arbres et les jardins publics. L’arrêt d’émission de leurs gaz toxiques ont fait revenir le chant des oiseaux dans les airs purifiés au-dessus des toits des maisons encastrées. La dissipation du vacarme des villes a rendu la sérénité aux fous confinés dans leur solitude.
Tous confinés. Plus de Hirak, ni forces répressives actives. L’ennemi commun a pris d’assaut les rues et les places publiques, où domine un sauve-qui-peut traumatique. Les hostilités directes sont suspendues à la férocité du virus. La laideur de la vie commune peut reprendre ses vices.
On ne bastonne pas la cohue pour les pulsions intestines. Il ne s’agit pas de revendiquer un droit ni de contester des légitimités objectives. La semoule occupe le ventre et attire les esprits sans vertus subversives.
On n’organise pas sa distribution pour neutraliser tout risque de contaminations massives. On ne rationalise pas les barrières collectives pour voir ressurgir de nouveau, précocement un Hirak menaçant qui mettrait en péril la pérennité des acquis lucratifs.
Mais le comble des vices, on ne prie plus en fidèles oisifs, entassés dans des mosquées poussives, pour combler à longueur de journées le temps de la paresse perdu dans l’excès de sagesse.
On se confine par blocus avec concubine et progéniture, les jours relayant les nuits et les nuits à se perdre en conjectures. Le coronavirus serait une vengeance de Dieu qui est venu châtier les infidèles, leur causant des milliers de morts malgré leur science adultère.
Surpris par l’abandon de leur Seigneur, le Covid les rattrapa sans discernement, par étouffement maladif, et leurs prières de muer en obsessions impulsives, inutiles et improductives.
Y. B.
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