Détenus en danger : l’appel de Maître Khadija Aoudia qui s’adapte à l’Algérie
Par Nabil D. – L’avocate franco-algérienne de renom, Khadidja Aoudia, a lancé un appel pressant aux instances judiciaires françaises pour libérer au plus tôt les détenus qui ne présentent aucun danger pour la société, au vu de la propagation exponentielle du Covid-19 dans les prisons. «Le coronavirus se propage au sein des établissements pénitentiaires sans qu’aucune mesure sanitaire n’ait été prise depuis le début de cette pandémie, exposant ainsi directement [les] personnes détenues à un risque certain de contamination, exposant [aussi] directement l’ensemble de l’administration pénitentiaire, de l’administration judiciaire et de l’ensemble des auxiliaires de justice au même risque de contamination», a alerté Maître Aoudia.
«Alors même que l’ONU et l’OMS exhortaient les Etats à libérer massivement les prisonniers, aucune mesure en ce sens n’a été prise alors qu’il en va de l’évitement d’une catastrophe sanitaire», a regretté l’avocate des frères Mohamed, les deux membres des groupes de légitime défense (GLD) durant la décennie noire, acquittés grâce au travail remarquable de la juriste nîmoise. «Je rappelle que le corps médical ne sera pas en capacité de faire face à une seconde crise sanitaire de cette ampleur», met-elle en garde, en se tournant vers le pouvoir judiciaire pour, explique-t-elle, contourner «l’irresponsabilité» et «l’inertie» du pouvoir exécutif.
«Je sollicite de l’ensemble des magistrats du siège la remise en liberté immédiate et significative de toutes les personnes qui sont détenues et qui ne présentent aucun danger. J’en appelle à votre devoir d’humanité pour pallier les carences gouvernementales», a conclu l’avocate qui a déposé une plainte pénale contre le Premier ministre et la ministre de la Justice français pour absence de moyens sanitaires en prison, mettant en danger le personnel pénitentiaire, les escortes et les détenus, considérant qu’un tel manquement relève d’une non-assistance à personne en danger.
La situation des détenus a poussé la Conseil français du culte musulman (CFCM) à mobiliser les aumôniers au sein des prisons pour venir en aide à tout prisonnier qui en formulerait le besoin. Le CFCM a déjà mis en place une plateforme similaire dans les hôpitaux.
En Algérie, suivant vraisemblablement les directives des Nations unies et de l’Organisation mondiale de la santé, Abdelmadjid Tebboune a prononcé une grâce en faveur de quelque 5 000 prisonniers de droit commun, excluant les détenus politiques. Ce, au moment où des voix s’élèvent pour alerter sur la situation désastreuse qui prévaut dans certains pénitenciers, dont notamment la prison militaire de Blida où de nombreux hauts gradés incarcérés auraient été contaminés par le coronavirus.
L’appel de l’avocate Khadidja Aoudia aux autorités politiques françaises s’adapte donc au cas algérien, d’autant que Maître Zoubida Assoul n’a pas manqué d’exprimer sa colère suite à l’exclusion des détenus d’opinion de la grâce prononcée par le chef de l’Etat et que l’appareil judiciaire pourrait regagner la confiance des citoyens s’il prenait son courage à deux mains et usait de ses prérogatives constitutionnelles pour remettre en liberté ces prisonniers, en faisant valoir l’argument de santé publique amplement justifié, sans attendre les habituelles injonctions extrajudiciaires.
N. D.
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