Le virus a tué l’Europe
Par Mrizek Sahraoui – La survie de l’Union européenne après cette crise sanitaire qui frappe le monde relève du miracle. Ce ne sont pas les Italiens ou les Espagnols qui payent le prix fort en vies humaines – les derniers bilans font état de plus de 14 000 victimes en Italie et près de 11 000 en Espagne dues au virus Covid-19 – qui diront le contraire. Ces derniers jours, plusieurs d’entre eux ont brûlé le drapeau européen en signe de protestation et pour signifier leur indignation contre l’attitude passive des autres pays du Nord, jugés égoïstes et méprisants. C’est vrai, les Européens du Nord se sont montrés, et se montrent toujours d’ailleurs, indifférents vis-à-vis de leurs voisins du Sud, qui, eux, n’en finissent pas d’enterrer leurs morts chaque jour par centaines.
L’aide d’urgence, attendue en principe de la zone euro, est venue de la Chine et de la Russie, deux pays venus au chevet d’une Italie meurtrie, en proie, outre le Covid-19 qui y fait des ravages, à une nouvelle crise économique, conséquence directe de la pandémie. L’UE a fini par réagir, et c’est la présidente de la Commission européenne, Ursula Von Der Leyen, qui a exprimé, jeudi dernier, «ses regrets pour le retard dans la réaction de l’UE face à la pandémie de coronavirus», à travers une tribune parue dans la presse italienne titrée «Je vous présente mes excuses, nous sommes avec vous».
«Aujourd’hui, l’Europe se mobilise aux côtés de l’Italie. Mais cela n’a pas toujours été le cas», a-t-elle admis dans le quotidien transalpin La Repubblica. Ces propos traduisent le profond malaise qui règne au sein de l’UE qui peine à parvenir à mettre en œuvre les instruments, appelés «corona bonds», qui devaient permettre de rassembler des fonds dans la zone euro afin de lutter contre le coronavirus. Il faut voir dans ce dissensus la preuve supplémentaire du manque d’empathie et de solidarité entre membres de l’Union dont la plupart ont intégré l’idée que l’Europe se dirige droit dans le mur.
Les Italiens ont en mémoire les sacrifices consentis lors de la crise économique de 2008, perçus à ce moment-là comme des écornifleurs profitant de la caisse commune. Pas plus qu’ils n’ont oublié le mépris affiché alors à leur égard par le reste de l’Europe, moins frappée. L’évidence à présent est que le temps où l’on chantait l’ode d’une Europe enthousiaste, protectrice, solidaire, avec des membres partageant des valeurs et un idéal communs est fini. Et c’est l’Europe qui va la rencontre de son destin qui ne tient désormais qu’à un fil. L’arrivée du Covid-19 sur le sol européen a rendu criants les égoïsmes nationaux. L’heure est au chacun pour soi et au repli national, laissant les plus touchés par la pandémie à leur sort qui s’y acharne, notamment l’Italie, devenue malgré elle l’épicentre du rejet de l’Union.
L’Europe fragmentée se dessine à vue d’œil.
M. S.
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