«Cohérence» entre Tebboune et l’ANP : à qui s’adresse l’éditorial d’El-Djeïch ?
Par Mohamed K. – Sous le titre «Président-ANP, cohérence totale», El-Djeïch, organe central de l’ANP, recourt à l’antiphrase pour mettre en avant l’absence de mésintelligence entre le chef de l’Etat et l’institution militaire. L’affirmation insistante de la revue officielle de l’armée produit l’effet contraire et fait s’interroger les observateurs sur les dessous de cet accent mis sur cette osmose, dont on apprend qu’elle serait incertaine et problématique, entre le successeur de Bouteflika et la Grande Muette.
«Depuis son élection à la tête de la République algérienne, le président Abdelmadjid Tebboune a démontré sa totale confiance à l’institution militaire en saluant à maintes reprises le rôle de l’ANP dans la préservation des institutions de l’Etat ainsi que la sauvegarde du pays de toutes tentatives de déstabilisation. Le témoignage du président de la République, chef suprême des forces armées, ministre de la Défense nationale reflète la confiance et la cohérence totales entre le Président et l’ANP. Ainsi, notre armée jouit de la pleine confiance de Monsieur le Président, étant le meilleur gardien de cette confiance dans le passé, le présent et l’avenir»(*), souligne, en effet, la revue El-Djeïch dans son dernier éditorial. A qui s’adresse l’éditorial qui engage l’état-major de l’armée ? Dit autrement, à qui le haut commandement de l’ANP répond-il ?
La revue insiste : «Enfin, nous disons que la cohérence totale entre le Président et l’ANP et l’intérêt qu’accorde le premier magistrat du pays à la sécurité et à la défense nationales s’inspirent de sa totale conviction de la nécessité de moderniser nos forces armées pour qu’elles puissent mener leurs missions constitutionnelles et atteindre une disponibilité permanente pour faire face à toutes menaces possibles et relever tous les défis sécuritaires afin que notre pays sorte victorieux.»
L’armée a été surexposée depuis la prise de pouvoir par l’ancien chef d’état-major, le général Gaïd-Salah, mort en décembre dernier, laissant derrière lui un pays divisé entre un pouvoir non reconnu et un Hirak que les cercles habituels cherchent à détourner pour rééditer la récupération d’octobre 1988 et offrir le mouvement de contestation populaire aux résidus du FIS et à leurs soutiens parmi les artisans de Sant’Egidio. L’ANP s’est retrouvée mêlée, malgré elle, à une crise politique à cause de la double casquette du prédécesseur de Saïd Chengriha et de sa collusion avec l’ancien clan présidentiel avant qu’une guerre de succession éclate à la faveur de l’irruption du soulèvement populaire pacifique.
Des changements ont été opérés au sein de certaines directions et de certains postes de commandement et d’autres suivront, selon un schéma dont les contours commencent à se dessiner. Ces changements permettront sans doute à Tebboune de se libérer du lourd héritage de Gaïd-Salah, qui a provoqué un véritable séisme dans les rangs de l’armée et des services de renseignement et créé un climat malsain au sein de l’institution en raison de l’emprisonnement de plusieurs hauts gradés dans le cadre d’un règlement de comptes flagrant.
M. K.
(*) Le texte est repris tel quel mais avec les corrections syntaxiques nécessaires.
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