Témoignage – Ce médecin algérien qui soignait Reagan, Mitterrand et Berliet
Un ami du docteur Badreddine Lahnèche nous a fait parvenir ce témoignage émouvant sur celui qui a grandi sans famille à Souk Ahras, dans l’extrême est de l’Algérie, et est devenu le médecin des plus grands de ce monde. Pour l’ami de ce cancérologue de renommée mondiale grâce auquel la Grande Mosquée de Lyon se dresse aujourd’hui majestueusement dans cette ville française, «les Algériens sont grands, ce sont leurs dirigeants qui sont petits». Il constate avec regrets à quel point le pays renie ses propres enfants prodiges et s’enorgueillit de faire appel à des médecins ramenés de l’autre bout du monde pour faire face à l’épidémie du coronavirus.
Aujourd’hui, on voit les Algériens tout contents de voir quelques médecins chinois arriver en Algérie comme s’ils étaient des anges venus stopper la mort à nos frontières. Quelle décadence ! Je vais vous parler d’un médecin algérien qui a soigné les plus grands de ce monde, à l’exemple de Reagan, Mitterrand et Helmut Kohl et tant d’autres. Un médecin que j’ai eu l’honneur de connaître et fréquenter, un homme si grand pour les grands et si petit pour lui-même quand il se regarde dans un miroir, tellement modeste.
Il s’agit du professeur Badreddine Lahnèche, médecin personnel de Mitterrand. C’est lui, et lui seul, qui avait fait construire la Grande Mosquée de Lyon. Un homme autant savant que croyant qui, quand on le croise, on est loin de se douter que c’est pour lui que la Maison-Blanche a envoyé un avion spécial pour l’amener à Washington pour y soigner le puissant président américain Ronald Reagan.
Je vais vous raconter une anecdote que Michel Noir en personne avait relatée lors d’une conférence sur le racisme. Un jour, dans le couloir d’un grand hôpital lyonnais, alors qu’il était suivi par les meilleurs professeurs en cancérologie, Badreddine Lahnèche entre dans la chambre d’une malade de la grande bourgeoisie lyonnaise de la famille Berliet souffrant du cancer. Essayant de prendre sa main pour l’ausculter, elle cria avec mépris : «Lâchez ma main ! Qui êtes-vous pour oser me toucher ?» Badreddine Lahnèche était très typé maghrébin ; maghrébin de cœur et de morphologie. Les autres professeurs français qui se tenaient derrière lui avaient essayé de la raisonner et de lui expliquer qu’il était le meilleur d’entre eux et que c’était le médecin personnel de François Mitterrand. C’était peine perdue, la bourgeoise était trop fière pour qu’un Algérien lui prodiguât les soins nécessaires. Badreddine Lahnèche finit par quitter sa chambre sans être vexé, lui le grand croyant habillé de cette infinie humilité qui était la sienne.
Quelques semaines plus tard, la bourgeoise se rendit dans un grand hôpital américain à San Francisco pour se soigner car, lui avait-on dit, il était meilleur que celui de Lyon. Un médecin américain dit à cette malade : «Vous avez de la chance Madame, aujourd’hui, c’est un des plus grands cancérologues au monde qui va vous ausculter !» Quelques minutes plus tard, la bourgeoise revit la même scène qu’à Lyon : le grand Badreddine Lahnèche, suivi par une armada de médecins américains, entre dans sa chambre. Etonnée de revoir encore une fois ce médecin basané algérien, elle lui dit non sans stupéfaction : «Encore vous ?» Souriant, il lui répondit gentiment : «Oui, c’est encore moi, Madame Berliet.» Depuis, ils sont devenus amis. Cette femme riche et puissante a beaucoup aidé Badreddine Lahnèche dans la construction de «sa» grande mosquée. Avant de mourir, elle légua une grande partie de sa fortune pour la construction d’un centre contre le cancer à Lyon, qui est aujourd’hui parmi les meilleurs au monde, le centre Léon-Bérard.
Pour rappel, Badreddine Lahnèche était un pauvre orphelin qui avait grandi sans famille à Souk Ahras. Quand il parle de sa ville natale et de ses souvenirs d’enfance, ses yeux s’imbibent de larmes. C’était un homme très pieux et très proche de Dieu. On dit que quand Mitterrand l’appelait au téléphone, il le faisait patienter plusieurs minutes car il ne faisait pas de différence entre les malades. On raconte aussi que quand Mitterrand avait appris que Badreddine Lahnèche était le compatriote de Saint-Augustin, il avait souri en disant : «Je suis entre de bonnes mains.» Raymond Barre l’appelait «le Saint-Augustin de la médecine».
Aujourd’hui, à l’exception de ces beaux souvenirs, il ne reste rien de Badreddine Lahnèche, à part son nom grand gravé sur le mur de la Grande Mosquée de Lyon, une mosquée pour la construction de laquelle il avait tout vendu.
L. A.
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