Ingratitude !
Par Mrizek Sahraoui – Le monde entier est secoué par l’irruption brutale du Covid-19. Le pic de la pandémie n’est pas encore atteint, même si le cap des 100 000 morts – et près de 1,7 million de personnes contaminées dans 185 pays touchés par le virus, selon le dernier décompte funeste – vient d’être franchi.
Jusqu’ici, ce sont les pays développés qui sont frappés de plein fouet, bien plus que ceux du Sud. Et face à cette situation dramatique, l’heure devait logiquement être à plus d’humanité, de solidarité entre les peuples. Bien au contraire, l’on assiste à une surenchère médiatique et à l’accentuation des rivalités entre les pays occidentaux, d’un côté, la Chine et la Russie, de l’autre. Avant de s’en prendre à la Russie, les médias occidentaux ont cherché, sans succès, à discréditer l’action des autorités chinoises, soupçonnées, à tort, d’avoir minoré l’impact du Covid-19, tant sur le nombre de personnes contaminées que des victimes déplorées.
«Une tempête attend-elle l’économie russe ?» s’est interrogé un journal français, comme si celle des autres pays, furent-ils les premiers de cordée, n’allait pas composer avec des prévisions particulièrement sombres. Tous les économistes sérieux parlent d’une onde de choc bien plus importante que celle de la crise de 2008 et avertissent que l’épidémie pèsera lourdement sur l’économie mondiale. Sauf que, s’agissant de la Russie, «les six années de sanctions imposées par les Occidentaux ont eu un effet qui pourrait permettre à la Russie de se relever plus facilement car cela a permis aux grandes entreprises de réduire leurs dettes et au secteur agricole de se développer avec une baisse des importations», a indiqué Carole Grimaud Potter, analyste géopolitique et spécialiste de la Russie, dans une interview accordée au site frenchweb. Preuve d’une économie russe solide, si les 27 pays de l’Union européenne se sont accordés sur un ambitieux plan de soutien de 500 milliards d’euros, pour faire face aux conséquences économiques du coronavirus, Vladimir Poutine, lui, a débloqué une enveloppe de 16,2 milliards d’euros, une des nombreuses mesures de soutien à l’économie, selon le Premier ministre Mikhaïl Michoustine.
Des journaux francais – et américains aussi – parlent d’un système de santé russe obsolète, manquant de moyens humains et matériels. Seulement ils omettent d’indiquer qu’en France la colère gronde au niveau des hôpitaux ; les établissements d’hébergement pour personnes âgées dépendantes, Ehpad, sont devenus des mouroirs ; le directeur général de la santé n’en finit pas de dresser, chaque soir, la liste des victimes comptées, hélas, par centaines, tandis que les spécialistes qui entourent le chef de l’Etat pour le conseiller s’écharpent sur la chloroquine, le traitement prôné par le Pr Didier Raoult.
En Russie, pays qui répertorie 11 917 cas de contamination et 97 morts, le bilan de vendredi dernier, la recherche est à un stade avancé. En effet, les scientifiques russes, qui, dès jeudi 19 mars, ont pu entièrement décoder le génome du coronavirus, prévoient une première phase de tests cliniques de trois vaccins à partir de fin juin sur un échantillon de 180 volontaires.
Vladimir Poutine, qui a décidé le payement des salaires depuis le 28 mars jusqu’au 30 avril inclus, appelant dans le même temps les Russes à faire preuve de «responsabilité», a envoyé, le 1er avril, un appareil chargé d’aide humanitaire aux Etats-Unis, où le Covid-19 sévit de façon tragique, faisant 525 559 personnes contaminées et un peu plus de 20 000 morts, le bilan dont nous disposons au moment où ces lignes sont écrites qui s’alourdira sans doute lorsque celles-ci seront lues. De même quand l’Italie, seule sans l’aide des [chers] voisins, faisait face à la catastrophe, c’est la Russie qui est venue à son chevet. Plusieurs avions avec des virologues, de l’équipement médical, des laboratoires et des systèmes de désinfection mobiles y étaient dépêchés. La France a également reçu des équipements de protection de la part de la Russie, où les dépistages, presque un luxe pour les Français, peuvent se faire à domicile pour 23 €, et dont le gouvernement non seulement contrôle la situation en interne, mais aussi est en mesure d’aider les pays européens et les Etats-Unis. «Une image forte donnée au reste du monde», a analysé Carole Grimaud.
L’on s’attendait à, au moins, de la reconnaissance de la part des démocraties occidentales. Il n’en est rien. Pis, Paris, notamment, a même dénoncé une «propagande», tout en accusant, par ailleurs, la Chine et la Russie d’«instrumentaliser» (leur) aide internationale. Quelle ingratitude !
M. S.
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