Un médecin algérien établi au Canada répond au porte-parole de la Présidence
Par Dr Abderrahmane Cherfouh – «La liberté de la presse est un moyen pour construire la société», dixit Mohand Oussaïd Belaïd, porte-parole officiel de la Présidence. Je suis totalement en phase avec vous. Mais de quelle liberté de presse parlez-vous ? La presse muselée, contrôlée, aux ordres ? Ou bien la presse libérée de toute pression, qui rapporte les faits tels qu’ils se présentent sans chercher à induire en erreur ni à influencer les lecteurs ? En cette période de guerre contre la pandémie, permettez-moi de vous interpeller pour prendre les mesures suivantes qui s’imposent d’elles-mêmes.
1- Au nom de cette liberté de la presse, les citoyens ont le droit absolu d’exiger d’être bien informés pour suivre au jour le jour le développement de cette pandémie. Il est très important d’offrir aux Algériens une information rigoureuse, scientifique, basée sur des faits réels contrôlés par les services de la santé.
Comme l’information est à la base de toute démocratie, un bilan médical quotidien s’impose sur l’évolution de l’état des malades atteints par le coronavirus par six classes de données : a) le nombre de morts en 24 heures ; b) le nombre de nouveaux cas en 24 heures ; c) le nombre total des malades atteints du coronavirus depuis son apparition ; d) le nombre de guéris ; e) le nombre de malades hospitalisés ; f) le nombre de malades réanimés.
A ce que je sache, pour le moment, nous n’avons jamais eu accès à ces données qui sont très importantes et doivent être portées à la connaissance du public. Il ne faut pas avoir peur de diffuser des statistiques fiables pour que nous puissions en tirer les conclusions nécessaires.
2- Mettre en œuvre un plan et donner au personnel de la santé, toutes professions confondues, tous les moyens pour soigner les malades du coronavirus et limiter les dégâts de la propagation de la pandémie.
Pour ce faire, il faut dépister en masse, isoler les malades, ensuite les traiter rapidement en s’attaquant à la charge virale du coronavirus pour libérer plus rapidement les lits, partir à la recherche des proches et les convoquer pour leur faire passer un test de dépistage pour savoir s’ils ont été contaminés et ainsi de suite.
Or, ce n’est pas ce que nous voyons sur le terrain de la bataille contre cette pandémie qui, tristement, a mis à nu les carences de notre système de santé et le grand nombre de problèmes auxquels le gouvernement est incapable de faire face.
En tout état de cause, le personnel médical, les paramédicaux et tout le personnel de la santé qui sont en première ligne – de par leur métier – exigent qu’on leur fournisse des moyens de protection – masques, gants, blouses – pour traiter convenablement les malades et éviter tout risque d’être contaminés et de devenir un facteur de transmission à leur tour. On a bien vu que, dans certains hôpitaux, presque tout le personnel avait déserté, laissant les malades livrés à eux-mêmes, des malades fatigués, épuisés, ballottés d’un hôpital à un autre, les médecins refusant de les hospitaliser faute de places.
3- Dégager un budget spécial pour soutenir les travailleurs des entreprises privées et les travailleurs autonomes, les oubliés du système et tous ceux qui se trouvent forcés au confinement chez eux à cause du coronavirus.
4- Mettre en place un système pour gérer la chaîne d’approvisionnement en cette période de confinement où les gens ne peuvent pas se déplacer, afin d’éviter les pénuries, la rupture des stocks. Il faut agir de sorte que les denrées alimentaires soient accessibles à tous les citoyens aux quatre coins de l’Algérie, y compris dans les zones les plus reculées.
Mais le constat est amer : les repères se brouillent et on assiste, sidérés, à des déclarations telles que celles du porte-parole officiel de la Présidence qui en a surpris plus d’un ! Cette déclaration démontre que le pouvoir est incapable de faire face à cette pandémie et cherche par tous les moyens à fuir ses responsabilités. Pour camoufler son inaptitude à gérer cette crise, le porte-parole de la Présidence a voulu faire du Hirak un bouc-émissaire, en l’accusant à tort d’avoir propagé l’épidémie, tout en s’attribuant le beau rôle du héros salvateur.
A. C.
(Montréal)
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