A armes inégales
Par Mrizek Sahraoui – Il ne fait guère de doute que les menaces qui pèsent sur le monde à la suite de la pandémie due au Covid-19 sont bien plus graves pour les pays du Sud qu’elles ne le sont pour ceux du Nord. Vulnérables et en proie à d’autres fléaux, les pays pauvres sont bien évidemment moins armés en comparaison avec les plus riches, plus nantis et avec des moyens considérables.
Bien que, face à ce mystérieux virus, les pays riches soient impuissants, à la fois pour juguler la crise sanitaire que pour faire face à l’effondrement de l’économie mondiale, ils sauront toutefois trouver les moyens de se relever après la pandémie. Avec des économies très fragiles et confrontés à une instabilité politique quasi chronique, les pays pauvres risquent de voir leur développement entravé, avec comme corollaire l’éclosion de nouveaux conflits sociaux. Lors même que, jusqu’ici, ce sont les pays riches qui ont plus pâti et subi les conséquences néfastes du Covid-19, avec des morts par milliers, il n’en demeure pas moins que la suite pourrait s’avérer dramatique pour les pays du Sud. Car c’est à armes inégales que ceux-ci et ceux-là affrontent ce virus.
Face à la pire tragédie que l’Amérique eût probablement à connaître depuis la guerre de Sécession, Donald Trump s’est engagé à employer les grands moyens par le biais d’un plan massif de relance de l’économie américaine. Ce projet dit de sauvetage prévoit, en effet, 2 000 milliards de dollars afin de venir en aide aux entreprises, aux personnes directement impactées à travers l’assurance chômage et au système de santé américain que d’aucuns jugent indigne du statut d’une première puissance mondiale. L’Europe n’est pas en reste. Après de longues et d’âpres négociations, les 27 membres sont parvenus à un accord et ont décidé de mutualiser les efforts. Une cagnotte de 500 milliards d’euros est ainsi mise à contribution pour atténuer les effets de la pandémie.
L’on a quelque peine à imaginer comment les pays pauvres vont pouvoir se sortir de cette double crise sanitaire et économique. Leurs économies, qui dépendent essentiellement du pétrole, du tourisme et de l’aide internationale, sont frappées de plein fouet. Les prix du pétrole, demeurant en forte baisse, peinent à redécoller, bien qu’un accord ait été trouvé lors de la dernière réunion des principaux producteurs qui ont annoncé une réduction historique de la production. Le secteur du tourisme, principale source de devises de certains pays, est totalement à l’arrêt à la suite des fermetures en série des frontières ; l’aide internationale, elle, se fait rare en ces temps de disette, à l’exception de quelques initiatives enregistrées çà et là, hélas, bien en deçà de la demande réelle. Et comme un malheur ne vient jamais seul, les institutions financières internationales, plus que jamais condescendantes, hésitent à octroyer des prêts à risque, ce qui complique davantage encore la situation.
Ce n’est certainement pas l’appel, le 25 mars dernier, du secrétaire général de l’ONU, dans lequel il a affirmé que «la pandémie du coronavirus menace l’humanité entière», qui devrait arranger les choses. Lors de son intervention, Antonio Guterres a dit avoir donné corps à un «plan de réponse humanitaire mondial», assorti d’un appel aux dons à hauteur de 2 milliards de dollars, une générosité dérisoire au regard de l’étendue de la crise multiforme qui secoue les pays d’Afrique, d’Asie et d’Amérique latine. Il n’est pas certain que ledit plan soit efficace et de nature à contrer les nombreux risques qui planent sur l’économie des pays pauvres. Si rien n’y est fait, il faut le savoir, les ingrédients du désastre à venir sont en tout cas réunis.
Outre la mort qu’il sème sur sa route, le Covid-19 accentue l’éventail déjà très large des périls qui guettent le Sud. D’un autre côté, il rend caduque toute la vulgate d’un mondialisme qui, avant cette pandémie, a nourri l’illusion d’un monde éternellement heureux, mais, finalement, le conduit à sa perte.
Pour cela, faut-il, bien sûr, que la société civile internationale soit amnésique et oublie ces moments longs et difficiles.
M. S.
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