Officiers arrêtés dans l’affaire Bouazza : abus de pouvoir ou stricte discipline ?
Par Nabil D. – L’arrestation des collaborateurs du général ripoux Wassini Bouazza pose le problème des risques encourus par les officiers subalternes dans ce cas d’espèce qui vient de secouer les rangs des services des renseignements, avec l’arrestation du directeur de la sécurité intérieure pour haute trahison, abus de pouvoir, trafic d’influence et enrichissement illicite.
Selon des sources concordantes, tous les officiers supérieurs qui étaient sous ses ordres ont été arrêtés également et sont entendus par les enquêteurs dans les nombreuses affaires qui impliquent l’ancien protégé de Gaïd-Salah et un grand nombre de suspects, aussi bien civils que militaires. Or, s’agissant de cette dernière catégorie, des observateurs avisés posent la problématique du fonctionnement de l’armée et de ses règlements intérieurs qui rendent difficile la distinction entre la complicité d’abus de pouvoir et la discipline stricte, la frontière entre les deux étant ténue.
Les officiers arrêtés dans le sillage du scandale Wassini Bouazza seront-ils jugés pour s’être rendu complices de faits réprimés par la loi ou paieront-ils pour avoir été des officiers disciplinés obéissant à la hiérarchie sans discuter les ordres ? C’est connu, dans toutes les armées du monde, le principe cardinal consiste à exécuter sans rechigner, y compris les sanctions prononcées à l’encontre d’un soldat, régime militaire rigide oblige. En effet, les forces armées sont tenues par une rigueur dictée par la sensibilité du métier des armes. Un chef militaire dirige des hommes armés et, de ce fait, ses instructions suivent un cheminement rigoureux qui ne tolère aucun désordre, ni aucune contestation.
Dans certaines armées des pays occidentaux, les militaires ont le droit de constituer des syndicats pour défendre les droits des militaires. Mais cette liberté accordée aux soldats se limite aux revendications socioprofessionnelles et n’interfèrent guère dans le fonctionnement de l’armée et de sa doctrine rigoriste. En Algérie, une telle éventualité ne peut être envisagée, quand bien même on entend quelques soldats félons se plaindre sur les réseaux sociaux de leurs conditions de travail et justifier leur désertion par des abus constatés ou vécus lorsqu’ils étaient en service. La manifestation d’éléments des forces de l’ordre en tenue à Alger, en octobre 2014, avait fait craindre le pire, mais la situation avait été vite maîtrisée, bien que les Algériens aient vu, pour la première fois depuis le coup d’Etat de juin 1965, les prémices d’une confrontation entre les policiers contestataires qui voulaient marcher sur le siège de la Présidence et la Garde républicaine.
L’affaire Wissini Bouazza va-t-elle faire réfléchir le haut commandement de l’armée et le ministère de la Défense nationale sur cette situation ambiguë qui rend les officiers exécutants vulnérables et qui risque de décourager un certain nombre d’entre eux ou de les pousser carrément à se rebeller contre leurs supérieurs hiérarchiques par peur d’être mêlés à des considérations qui les dépassent, avec tous les risques qu’un tel comportement pourrait engendrer sur la chaîne de commandement au sein des corps constitués ?
N. D.
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