Cinq institutions et des centaines de fonctionnaires à la solde de Bouazza
Par Abdelkader S. – C’est un véritable Etat dans l’Etat que l’ancien directeur de la sécurité intérieure a bâti durant son court passage à la tête de cette institution. Sa puissance éphémère, mais nocive, il l’a puisée d’un système diabolique qu’il a savamment mis en place pour régenter le pays d’une main de fer sans apparaître. Pas moins de cinq départements dont il a nommé les ministres où les véritables décideurs lui étaient inféodés et agissaient sous ses ordres directs.
Le premier d’entre ces ministères est celui de la Justice dont le premier responsable a été désigné par Gaïd-Salah sur insistance de Wassini Bouazza. L’objectif était clair : instrumentaliser l’appareil judiciaire et s’en servir comme épée de Damoclès contre aussi bien les officiers gênants et les membres du mouvement de contestation populaire. Le reconnaissant et docile Belkacem Zeghmati a offert la justice au patron des services du renseignement intérieur qui l’a complètement dévoyée et sortie de son rôle, au point où les avocats comme les magistrats ont fini par pointer du doigt ouvertement l’ingérence manifeste de l’ancien protégé de Gaïd-Salah dans les procès intentés à de nombreux généraux et colonels, responsables politiques, militants pacifiques du Hirak et journalistes. Si la tête a été coupée, les démembrements de la machine mise en place par Bouazza demeurent intacts pour le moment, d’où la poursuite des arrestations et des procès expéditifs.
Wassini Bouazza a mis sous sa botte également le ministère des Finances pour se servir des directions générales des impôts et des douanes ainsi que des banques publiques d’arme contre les hommes d’affaires récalcitrants qui ne céderaient pas à son chantage. L’enquête le visant a, en effet, révélé que ce général ripoux est impliqué dans de nombreuses affaires de corruption et de détournement de fonds publics qui s’élèvent à plusieurs centaines de milliards. De grosses sommes d’argent ont, d’ailleurs, été découvertes chez lui. Selon des sources concordantes, il aurait d’ores et déjà entraîné dans sa chute plusieurs officiers et responsables du secteur économique, dont un proche de Gaïd-Salah.
Le ministère de l’Intérieur était également sous l’emprise du général, dévoré par l’ambition au point d’avoir voulu poignarder son bienfaiteur Gaïd-Salah dans le dos, en tentant de saboter son candidat à la présidentielle et lui substituer un autre poulain avant que l’ancien chef d’état-major s’aperçoive de la manœuvre et décide de frapper. Mais sa mort a sauvé l’ingrat général qui a profité de sa disparition pour étendre ses tentacules et sévir en toute impunité. Si le ministre de l’Intérieur est un proche du président Tebboune, son département est, cependant, infesté d’agents de Wassini Bouazza qui occupent les directions les plus sensibles, et le directeur actuel de la Sûreté nationale, rappelé par Gaïd-Salah, est sous le contrôle direct du clan que présidait l’ancien patron du renseignement intérieur. Son remplacement est une question de temps, apprend-on.
Autre ministère phagocyté par Wassini Bouazza, celui de la Communication à la tête duquel il a placé Amar Belhimer dont le rôle consiste à gérer la manne publicitaire institutionnelle et à servir de vitrine civile et démocratique pour couvrir les agissements dictatoriaux du militaire, aujourd’hui emprisonné pour rendre compte de ses forfaitures. Le ministère de la Communication, dont l’existence même est une hérésie dans une démocratie, joue un rôle néfaste de propagande à travers les chaînes privées, la presse et les réseaux sociaux au profit du réseau mafieux dont les membres sont en train de tomber l’un après l’autre. La dernière sotie d’Amar Belhimer résonne, en tout cas, comme une espèce de mea culpa à la corporation qu’il a trahie car sachant sa fin proche.
Wassini Bouazza a semé ses hommes dans toutes les administrations dont il avait besoin de l’appui pour renforcer son pouvoir. Le nombre de secrétaires généraux, de directeurs centraux, de procureurs, de présidents de cours, nommés sur ses ordres se comptent par centaines. Le réseau mafieux a, en effet, institué un système de «fusibles» pour parer à tout défection et à tout refus d’adhérer aux pratiques mafieuses qu’il a instituées. Echaudé par la démission du prédécesseur de Zeghmati et de deux juges militaires, Wassini Bouazza et ses acolytes – les généraux Abdelkader Lachkhem, Abdelhamid Ghris, Amar Amrani, Banali Benali, Amar Boussis, etc. – ont créé des doublures dans chaque secteur pour suppléer automatiquement tout responsable qui refuserait de marcher dans leur combine. Un système qui n’aurait pas été possible sans la complicité évidente de la Direction générale de la fonction publique et du secrétariat général du gouvernement dont elle relève.
C’est cet échafaudage que Tebboune et Chengriha sont en train de démanteler et qui leur demandera un certain temps.
A. S.
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