Place au complot
Par Mrizek Sahraoui – Ces dernières heures, les médias américains, au premier rang desquels figurent Fox News et l’agence de presse Associated, ont repris à leur compte une information qui a circulé sur les réseaux sociaux au début de la pandémie, selon laquelle le virus Covid-19 aurait été «fabriqué» à Wuhan. Sans preuves tangibles, la presse britannique et française s’est largement fait écho des spéculations américaines, surtout après que Donald Trump a annoncé avoir diligenté une «enquête exhaustive sur la façon dont le virus s’est propagé» ; le ministre des Affaires étrangères britannique, Dominic Raab, a averti, jeudi dernier, que la Chine devrait répondre à des «questions difficiles», et après qu’Emmanuel Macron a, lui, considéré qu’«à l’évidence, des choses se sont passées là-bas dont nous n’avons pas connaissance», tout en évoquant «des zones d’ombre».
Alors que le Covid-19 continue de faire des victimes par milliers dans le monde, notamment aux Etats-unis où le bilan macabre s’alourdit chaque jour par centaines, sans qu’une solution soit trouvée – abstraction faite du protocole du Pr Raoult qui semble avoir donné des résultats satisfaisants –, la ligue occidentale, c’est-à-dire les Etats-Unis, le Royaume-Uni et la France, en accusant la Chine d’avoir «dissimulé» la gravité de l’épidémie à son début, cherche à détourner les opinions publiques occidentale et internationale des vraies questions et de la gestion chaotique de la pandémie par les gouvernements respectifs et, plus probable encore, à tenter de trouver un bouc émissaire. «L’épisode actuel démontre la recherche d’un bouc émissaire à l’heure où les Etats-Unis et l’administration Trump font face à une crise sanitaire inédite et bien plus grave qu’en Chine et en Europe», a indiqué Michel Hermans, professeur d’histoire à l’ULiège et spécialiste en géopolitique belge, cité par la RTBF.
Les deux médias américains ont indiqué que «les autorités chinoises [étaient] au courant, dès le 14 janvier, que le pays était probablement confronté à une épidémie du nouveau coronavirus de grande ampleur», et que celles-ci n’ont annoncé que le pays faisait probablement face à une grave épidémie du coronavirus qu’à compter du 20 janvier, soit six jours de retard. Dont acte. Mais se pose immédiatement et immanquablement la question de savoir quelles étaient les réactions subséquentes des pays occidentaux et qu’ont-elles fait les autorités sanitaire et politique à partir du moment où le monde entier était au courant que la ville de Wuhan entrait dans un confinement généralisé et le funeste bilan commençait à s’alourdir.
La réponse est simple. En France, pays qui a décidé le confinement le 16 mars, soit plusieurs semaines après que la Chine a alerté sur la gravité et la contagiosité du Covid-19, on moquait les citoyens chinois, trop disciplinés, disait-on sur les plateaux des télévisions françaises ; l’on parlait de «gripette» qui n’avait aucune chance d’arriver sur le sol européen, propos de la ministre de la Santé d’alors. Quant à Donald Trump, lui, se moquait également du «virus chinois» pour tenter de faire oublier sa gestion catastrophique de l’épidémie. Faut-il rappeler, par ailleurs, que le Président américain, qui vient de geler, mardi dernier, la contribution financière américaine au fonctionnement de l’Organisation mondiale de la santé, lui reprochant de s’être «alignée sur les positions chinoises», avait mis en doute, le 5 mars, une estimation de l’OMS sur la base d’une «intuition», qui indiquait que l’épidémie continue de se propager dans le monde avec plus de 90 000 cas et 3 000 décès. A la même date, le Premier ministre britannique, Boris Johnson, clamait haut et fort qu’il continuera à serrer des mains, avant de se retrouver dans une unité de réanimation, quelques jours plus tard.
Vladimir Poutine a qualifié au cours d’une conversation avec son homologue chinois, Xi Jinping, de «contre-productives les tentatives d’accuser la Chine» et a salué les «actions cohérentes et efficaces des Chinois, qui ont permis de stabiliser la situation épidémiologique dans le pays», a précisé le Kremlin dans un communiqué, cité par un média russe.
«La Chine est l’objet de toutes les critiques et l’administration Trump veut réduire la puissance économique de la Chine», selon Michel Hermans, qui constate que «faute de preuves suffisantes, les Etats-Unis ne peuvent pas accuser ouvertement la Chine.»
A travers toute cette cacophonie médiatique et les manœuvres politiques se joue en arrière-plan le complot visant à empêcher que le règne des Etats-Unis sur le monde ne se close pour laisser place net à la Chine, désormais puissance incontournable, sur tous les plans.
M. S.
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