Flèche de tout bois
Par Mrizek Sahraoui – Même si la ville de New York, épicentre de la pandémie aux Etats-Unis, observe une tendance sinon à la baisse tout au moins stagnante, sur l’ensemble du pays, en revanche, le bilan continue de s’alourdir. Avec 735 242 personnes contaminées et 39 089 décès, recensés dimanche 19 avril, dépassant largement l’Espagne, l’Italie ou la France, autres pays lourdement affectés par le coronavirus, les Etats-Unis sont le pays qui paye le prix fort en vies humaines, une situation aggravée par un système de santé complexe, non moins coûteux et inégalitaire ; un filet de protection sociale, censé compenser les inégalités, insuffisant. A cela s’ajoute les défaillances et les tergiversations de l’administration Trump avant l’arrivée du Covid-19 sur le sol américain.
La pauvreté en Amérique n’est pas une idée nouvelle. Mais la pandémie a davantage percé à jour ce qui se cache derrière le rêve américain. Au Texas, en Californie, en Pennsylvanie et dans de nombreux autres Etats, les banques alimentaires, prises d’assaut, ont dû redoubler d’efforts ces derniers jours pour venir en aide aux millions de gens venus faire la file et solliciter une aide de survie pour beaucoup d’entre eux, des victimes du déni de réalité d’un Président entraîné dans l’hubris, enclin à juger opportun ce moment pour lancer sa campagne maintenant que son adversaire est connu, Joe Biden en l’occurrence, et lorsque le recours aux banques alimentaires et autres structures d’aide aux plus démunis a augmenté de 543%, statistiques des deux dernières semaines.
«Nous voulons que les travailleurs aient du travail, et non qu’ils deviennent dépendants du système de chômage», a déclaré le ministre du Travail, Eugene Scalia, dans un article publié la semaine dernière sur Fox Business News. Ces propos cachent mal les craintes du Président sortant de voir le chômage atteindre des sommets – quelque 22 millions d’Américains ont perdu leur emploi depuis que le Covid-19 a fait irruption aux Etats-Unis. Incontestablement, le chômage, une préoccupation majeure et un des principaux thèmes autour duquel devait s’articuler sa campagne, sera une épine dans le pied du locataire de la Maison-Blanche qui pâtira d’un contexte économique catastrophique à deux doigts de la récession. Avant que le Covid-19 surgisse et fasse son œuvre, Donald Trump pensait faire de la vigueur de l’économie américaine, du chômage en constante diminution et des quelques succès diplomatiques des points charnières de sa campagne pour la présidentielle du 3 novembre prochain. La course contre le candidat démocrate, quel qu’eût été le vainqueur des primaires, allait être une simple formalité, disait-il.
Il n’en sera rien finalement. Et pour pallier cette situation imprévisible et pour éviter une débâcle électorale, Donald Trump fait flèche de tout bois. Pêle-mêle, il accuse la Chine d’avoir «dissimulé la vérité» sur la gravité de la pandémie ; suspend, mardi 14 avril, la contribution américaine à l’Organisation mondiale de la santé (OMS) qu’il soupçonne d’un biais «pro-Chinois». Pour couronner le tout, il appelle à la rébellion contre les règles de confinement décidé dans certains Etats et encourage les mouvements quasi insurrectionnels contre des gouverneurs démocrates. Les médias américains parlent de «guerre civile froide».
Avec un tel climat de tension politique qui règne dans le pays, au terme d’un tumultueux mandat d’un Président qui se dit thaumaturge néanmoins hâbleur, serait-ce possible que les Etats-Unis, pays fragile et soumis à rude épreuve, se dirigent droit vers le troisième mandat de Barack Obama, dirait Jean-Eric Branaa, auteur et spécialiste de la politique américaine.
M. S.
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