Les Qataris fouinent dans les scandales de corruption des Emiratis en Algérie
Par Kamel M. – Al-Jazeera, propriété de la famille régnante au Qatar, s’intéresse de très près aux investissements d’hommes d’affaires et de groupes émiratis en Algérie. La chaîne qatarie multiplie les articles sur le sujet depuis quelque temps dans ce qui s’apparente à une campagne contre les Emirats en mêlant notre pays dans cette querelle entre monarchies du Golfe. Doha se mêle ainsi dans la guerre froide entre Alger et Abu Dhabi sur fond de désaccords sur le dossier libyen et de torpillage du choix de l’ancien ministre des Affaires étrangères, Ramtane Lamamra, pour représenter le secrétaire général de l’ONU en Libye.
Al-Jazeera focalise plus particulièrement sur deux projets octroyés aux Emiratis et abandonnés après les changements politiques survenus dans le pays et la déchéance du président Bouteflika, bien que l’ancien chef d’état-major de l’armée, Ahmed Gaïd-Salah, ait assuré ses interlocuteurs de la poursuite des liens voire de leur renforcement, sachant que les Emirats sont le principal associé du MDN dans l’usine Mercedes de Tiaret et continuent d’avoir la haute main sur plusieurs ports en Algérie, secteur stratégique par lequel le régime des Al-Nahyane veut dominer le transport maritime mondial.
Les Qataris citent notamment l’homme d’affaires émirati Ahmed Hassan Al-Cheebani, PDG du groupe Sraem. Proche de Mohamed Ben Zayed, ce magnat était choyé à Alger où il occupe à l’année une suite royale à l’hôtel Sheraton dont il a fait son bureau de liaison. Al-Cheebani aurait transféré des sommes astronomiques via l’aéroport d’Alger d’où il est sorti sous escorte, selon des sources généralement bien informées. Al-Jazeera évoque des «dossiers de corruption» et des «groupes de pression» émiratis incarnés par cet ancien ami des Bouteflika qui en était un des démembrements les plus actifs et les plus influents en Algérie. Ce dernier, précise la chaîne qatarie, chapeautait les secteurs du tabac, de l’immobilier et de la sidérurgie.
Arrivé en Algérie en 2004, Al-Cheebani, qui exerçait une influence illimitée sur les cercles du pouvoir, avait réussi à dominer plusieurs marchés par la corruption. Al-Jazeera revient sur le rachat de la SNTA en 2005, une entreprise publique qui, pourtant, rapportait de l’argent au Trésor public. Non content d’avoir mis un pied dans cette société bénéficiaire, l’associé émirati est devenu actionnaire majoritaire de façon illégale. Le contrat avait été dénoncé par le Parti des travailleurs en son temps, et c’est peut-être pour cela que Louisa Hanoune a connu les affres de la prison militaire pour avoir contrarié les «amis» de Gaïd-Salah.
Al-Jazeera revient également sur le projet immobilier dont les travaux traînent en longueur depuis de longues années à Sidi-Fredj. Al-Cheebani a acquis l’assiette financière au dinar symbolique, rappellent les Qataris qui cherchent ainsi à s’engouffrer dans la brèche pour achever d’attiser l’animosité que le mouvement de contestation populaire voue au régime émirati accusé d’ingérence dans les affaires internes de l’Algérie. La chaîne rappelle également que le projet, d’une valeur de 500 millions de dollars, a été rendu possible grâce à des crédits de complaisance octroyés par des banques algériennes.
Autre projet à l’abandon cité par la chaîne qatarie, le parc Dounia, à l’ouest d’Alger, dont les travaux confiés au groupe émirati Emaar ont débuté en 2010 après un accord signé quatre ans auparavant, mais qui demeure au stade de chantier inachevé à ce jour. «Comme tous les autres projets, celui du parc Dounia est éclaboussé par des affaires de corruption», souligne Al-Jazeera.
Il apparaît clairement, à travers cette série d’articles, que le Qatar cherche à s’immiscer dans une guerre froide entre l’Algérie et les Emirats en accentuant l’inimitié des Algériens pour les Al-Nahyane qui se sont distingués, ces dernières années, depuis que Mohamed Ben Zayed a pris les commandes, par leurs visées expansionnistes dans la région. Leur rôle néfaste dans la perpétuation de la guerre civile en Libye en est la preuve la plus flagrante.
K. M.
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