Bouteflika, Gaïd-Salah et l’ex-DRS : retour sur un sabotage en quatre étapes
Par Dr Arab Kennouche – L’Algérie entre-t-elle dans une phase tant attendue de curetage de ses services de sécurité ? La fuite spectaculaire de l’ancien secrétaire particulier de Gaïd-Salah, Gharmit Benouira et l’arrestation non moins intrigante du responsable du chef de la sécurité Intérieure (DGSI), Wassini Bouazza, sur fond de nomination d’un nouveau responsable, autrefois évincé, à la DCSA, Sid-Ali Ould Zemirli montrent toute l’étendue du mal causé au système de sécurité algérien par l’ancien chef d’état-major Gaïd-Salah. Et cette fois-ci, semble-t-il, il ne s’agit plus d’une question de gros sous ou de passe-droits comme le faisait entendre le concept de ‘issâba mais bien d’affaires de haute trahison concernant des informations ultrasecrètes de nature stratégique et militaire.
En effet, les dissensions profondes entre certains responsables de la DGSI agissant sur l’ordre de Wassini Bouazza, résidu ultra-dangereux des errements de Gaïd-Salah, et ceux de la sécurité de l’armée, montrent la forfaiture d’un projet antérieur qui visait non seulement à détruire l’ex-DRS, mais également à distiller le venin de la discorde au sein même des corps sécuritaires les plus sensibles de l’ANP. C’était très vraisemblablement le rôle des équipes de Bouazza que de mettre le feu au sein de la DCSA. Inutile également de préciser que toute la sécurité stratégique de la nation repose sur cette direction, la DCSA, que Gaïd-Salah a voulu détruire pour mettre en poussière l’Algérie indépendante. Preuve en est, la fuite d’un secrétaire responsable de l’état-major, Benouira, vers un pays qui sous-traite pour les ennemis de l’Algérie, avec la bénédiction et l’aide avérée de la DGSI de Bouazza.
Pour bien comprendre la situation actuelle, il faut retracer étape par étape l’agenda programmé de destruction de l’Etat algérien depuis 2004, date de la démission du général Mohamed Lamari et de son remplacement par Ahmed Gaïd-Salah.
Première étape
La première phase consista à se mettre en poche un chef d’état-major limité intellectuellement mais avide de pouvoir et surtout de lucre, comme le fut Gaïd-Salah. En contrôlant l’état-major de l’ANP, l’ancien président Bouteflika pouvait légalement et organiquement avoir la main sur tous les postes stratégiques de l’Etat. Après avoir éliminé la vieille garde nationaliste et patriote de l’état-major des années 90, dont Mohammed Lamari, et en plaçant un ambitieux limité dans des compétences régaliennes, le clan Bouteflika pouvait passer à la deuxième étape : le contrôle des services de renseignement du DRS, donc l’élimination de Toufik.
Deuxième étape
En procédant par à-coups, comme pour l’élimination de la vielle garde patriote à l’état-major, Bouteflika prétexta l’existence d’un décret présidentiel datant de Chadli, pour entamer une restructuration des services. L’objectif en soi n’était pas condamnable, s’il obéissait à une logique pure de restructuration, c’est-à-dire d’amélioration et d’adaptation des services. Sauf que la déstructuration entamée par Bouteflika ne fut jamais suivie d’une restructuration, même sous le couvert de la CSS, la coordination des services de sécurité, dirigée par Tartag. Car le véritable but non-avoué de cette couverture – on notera la ruse du personnage – fut d’éliminer encore Toufik, c’est-à dire toute la vieille-garde du patriotisme algérien. Jusqu’au quatrième mandat, l’objectif de destruction de l’Etat algérien, dans ses étapes primordiales était atteint : décomposition de l’état-major de l’ANP, décomposition du DRS.
Troisième étape
Comme prévu par un agenda exhaustif et étalé dans le temps, il fallait un jour ou l’autre éliminer Gaïd-Salah, car il faut bien comprendre que l’essence du programme consistait à occuper tous les postes stratégiques par des individus à l’idéologie irréprochable. Or, le bourru de Gaïd-Salah ne suffisait plus pour percer encore plus dans le système sécuritaire de l’Etat-algérien. Il fallait désormais que chaque personnage important de l’ANP s’abreuve de l’idéologie bouteflikiste et en fasse un continuum dans tout l’appareil sécuritaire afin d’aligner Alger sur les monarchies du Golfe. Il faut bien noter ce point idéologique important : choisir du personnel sûr en termes d’allégeance, qui ne regarde pas que le côté financier, comme Gaïd-Salah, mais la capacité à déraciner de l’ANP toute l’idéologie du 1er Novembre 1954 et du déclenchement armé de la Révolution algérienne. Le but étant le retour de l’Algérie dans le camp de l’Egypte, du Maroc, de l’Arabie Saoudite et des autres monarchies du Golfe. Un retour vers Camp David. D’où, également, la vaste campagne antiberbère, avec un racisme assumé par les plus hauts personnages de l’Etat relayé par des puissants médias qui manient les slogans, dont le mot «zouaves» qui a fait mouche partout, au sein même des hommes de gouvernement, sans oublier le racisme réitéré dans la presse nationale des Naïma Salhi et autre Kamel Rezig. Cette idéologie préconisait l’inoculation de ses ferments pour toujours dans les postes les plus sensibles de l’ANP, dont la DCSA. Et c’est la quatrième étape.
Quatrième étape
La quatrième étape est celle qui n’a pas eu lieu et qui se déroule sous nos yeux actuellement, avec de nombreux facteurs aggravants. Gaïd-Salah a été l’artisan zélé de la mise en place de Wassini Bouazza à la tête de la DGSI. Il faut bien comprendre que ce petit général obéissait au doigt et à l’œil à Saïd Bouteflika et son comparse Kouninef. Cependant, Bouazza est devenu quelqu’un lorsque ses commanditaires, Saïd Bouteflika et Kouninef, ont nourri le projet de reconstruction et de déplacement de toutes les bases de commandement de la marine, de l’aviation et de l’armée de terre situées à Alger, en accord avec Gaïd-Salah, qui signa le projet sans rechigner, avec une compagnie chinoise. Le but réel de ce projet d’infrastructures nouvelles pour les hauts postes de commandement était de récupérer tous les services de sécurité de l’armée avant d’éjecter Gaïd-Salah.
En contrôlant tous les commandements de l’armée sous le prétexte de bases militaires nouvelles, le clan Bouteflika aurait définitivement serré l’étau sur les derniers piliers de l’Etat algérien. Mais pour ceci, il aurait également fallu un cinquième mandat pour le clan et la nomination d’un général à l’état-major issu d’une région «sûre».
A. K.
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