La presse en péril
Mrizek Sahraoui – Dans son dernier rapport annuel sur la liberté de la presse, publié mardi 21 avril, Reporters sans frontières a alerté sur les menaces qui pèsent sur l’avenir du journalisme dans le monde. «Les dix prochaines années seront une décennie décisive pour la liberté de la presse», prévient l’ONG qui a identifié «plusieurs crises pouvant affecter l’avenir du journalisme : une crise géopolitique, technologique, démocratique, de confiance et une crise économique auxquelles s’ajoute désormais une crise sanitaire». RSF a également indiqué que «le coronavirus est un facteur révélateur et démultiplicateur».
Les éditions annuelles du classement mondial de la liberté de la presse établi par Reporters sans frontières (RSF) se suivent et se ressemblent, apportant des enseignements qui vont de mal en pis sur les risques qu’encourt le métier de journaliste et par rapport aux menaces qui guettent le droit à l’information libre, fiable et indépendante, un outil majeur à l’aune duquel, c’est un truisme de l’affirmer, se jauge la vigueur et la vitalité d’une démocratie.
A l’exception de quelques rares exceptions, le classement de l’année 2020 n’a pas subi de changements notables. Les pays scandinaves, la Norvège, la Finlande et le Danemark qui a gagné deux places, tiennent de nouveau le haut du pavé, tandis que l’Erythrée, le Turkménistan et enfin la Corée du Nord arrivent sans surprise en queue du peloton. L’Algérie où se multiplient les atteintes à la liberté de la presse et où les journalistes indépendants payent un lourd tribut, notamment depuis le 22 février 2019, date du début de la protestation populaire, a chuté à la 146e place.
Le classement région par région, l’autre conclusion du dernier rapport de RSF, n’affiche pas de changement significatif. L’Europe demeure, devant la zone Amérique du Nord et du Sud, le continent où l’exercice du métier de journaliste court le moins de risque, «en dépit des politiques répressives de certains pays de l’Union européenne et des Balkans», a noté RSF. Plusieurs journalistes et reporters ont, en effet, été la cible des forces de l’ordre lors des manifestations des Gilets jaunes en France.
L’Afrique occupe la troisième place. Cette position peu enviable du continent est due à l’accentuation des logiques autoritaires dans certains pays, aux détentions arbitraires, aux attaques répétées contre les médias indépendants et à la recrudescence des censures de journaux en ligne. Le bâillonnement des médias qui refusent la soumission laisse place à la pratique du journalisme jaune et aux médias affidés, plus enclin à faire de la propagande gouvernementale, plus qu’à produire de l’information dans le respect de l’éthique et de la déontologie.
Si, sous les régimes autoritaires, les menaces qui planent sur la liberté de la presse sont connues, dans les pays dits démocratiques, celle-ci fait face à des dangers plus pernicieux. Le principal écueil qui, à l’évidence, ne garantit pas le pluralisme de l’information étant la concentration des médias par de grands groupes industriels.
«N’attendez pas qu’on vous prive de l’information pour la défendre», dit la devise de Reporters sans frontières, plus que jamais à l’ordre du jour.
M. S.
Comment (8)