Le texte controversé criminalisant les fake news soumis au Parlement
Par Mounir Serraï – Le projet de loi modifiant et complétant l’ordonnance num. 66-156 du 8 juin 1966 portant code pénal a été soumis à l’Assemblée populaire nationale (APN). Ce projet de loi controversé, criminalisant la diffusion de fausses informations, a suscité des critiques de certains députés de l’opposition.
Pour les députés du RCD, c’est un texte «liberticide» qu’il faudra retirer sans attendre. Atmane Mazouz, député de ce parti, a qualifié de texte de «sidérant», accusant le pouvoir, à sa tête Abdelmadjid Tebboune, de vouloir aiguiser les instruments de la répression en cette période de confinement sanitaire afin d’étouffer toute voix discordante, notamment sur les réseaux sociaux. «Depuis la trêve unilatérale décidée par le Hirak pour cause de pandémie, l’appareil de répression du système fonctionne à plein régime pour maintenir les détenus d’opinion dans les prisons et en incarcérer d’autres», poursuivent les députés du RCD, considérant que «les cyniques félicitations du Président de fait au corps des magistrats, lors de la dernière réunion du Conseil des ministres, enlèvent tout crédit aux supputations qu’il y aurait des désaccords au sommet sur la conduite à tenir vis-à-vis du mouvement révolutionnaire».
Ce texte est également critiqué en dehors de l’APN par des activistes et des défenseurs des droits de l’Homme qui craignent son utilisation contre la liberté d’expression. C’est ce que pense Saïd Salhi, vice-président de la Ligue algérienne pour la défense des droits de l’Homme (LADDH) pour lequel «c’est un projet qui tente un autre tour de vis contre les libertés, avec l’objectif de légaliser la campagne de la répression qui s’abat depuis des mois maintenant sur les militants, les activistes du Hirak, les journalistes et les défenseurs des droits humains, déjà poursuivis et emprisonnés arbitrairement sous des chefs d’inculpation farfelus lors des procès inéquitables qui ont éclaboussé la justice et qui ont suscité l’indignation générale de l’opinion publique, des militants et de la société».
Mais pour les initiateurs de ce projet, à leur tête le ministre de la Justice, Belkacem Zeghmati, vivement critiqué par les magistrats, il s’agit d’un texte qui «vient combler un vide juridique, responsabiliser les auteurs et adapter le cadre juridique national à l’évolution de la société, notamment en termes d’usage des réseaux sociaux et autres outils de communication électroniques».
Pour le ministre de la Communication, porte-parole du gouvernement, Ammar Belhimer, «la lutte contre les fake news nécessite une conjugaison des efforts de tout un chacun, notamment des techniciens et des juristes, pour adapter les lois aux nouveautés techniques et technologiques». Il considère que «ce phénomène s’était amplifié avec l’usage du web par certains individus dans le but, entre autres, de nuire à la vie privée d’autrui».
Il s’agit dans de «responsabiliser les auteurs de ce genre d’informations qui cherchent, dans la majorité des cas, à faire le buzz sur la Toile sans penser aux conséquences de leurs actes sur l’opinion publique et les personnes». Il est bien clair qu’à travers les arguments des uns et des autres ce texte est plus que controversé et suscite des craintes légitimes dans un contexte politique délétère marqué par des pressions sur les militants et les activistes du Hirak.
M. S.
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